Urbanisme : l’article L.442-11 du code de l’urbanisme vu par le Conseil constitutionnel
Par une décision rendue le 13 juin 2025, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité à la Constitution de l’article L. 442-11 du code de l’urbanisme, relatif à la mise en concordance des documents d’un lotissement avec le Plan local d’urbanisme (PLU).
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil était invité à se prononcer sur la portée et la lisibilité de cette disposition, rarement mobilisée dans la pratique mais susceptible d’avoir des incidences importantes sur les projets immobiliers.
I- Une disposition en apparence technique, mais aux enjeux juridiques concrets
A) Le cadre de la mise en concordance des documents de lotissement
L’article L. 442-11 du code de l’urbanisme prévoit que les documents du lotissement doivent être rendus compatibles avec le PLU lorsque ce dernier évolue. Cette concordance est un préalable à la délivrance de toute nouvelle autorisation, qu’il s’agisse d’un permis de construire ou d’une division de terrain.
L’objectif est de préserver la cohérence entre les règles d’urbanisme locales et les droits privatifs nés du cahier des charges ou du règlement du lotissement.
B) Une obligation critiquée pour son absence de clarté
Les requérants faisaient valoir que cette obligation :
- Ne prévoit aucune modalité concrète de mise en œuvre ;
- Ne s’accompagne d’aucun délai ;
- Ne détermine aucune sanction ni procédure contradictoire ;
- Et, de ce fait, porte atteinte au principe de clarté et d’intelligibilité de la loi, garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
II- Le Conseil constitutionnel valide le dispositif mais rappelle le champ d’application de cette procédure et les garanties qui restent offertes aux colotis.
A) Une validation fondée sur la finalité légitime de la mesure
Le Conseil juge que la disposition poursuit un objectif d’intérêt général, à savoir « la cohérence entre les règles d’urbanisme locales et les documents régissant les droits des colotis au sein d’un lotissement ».
Il rappelle que l’obligation de mise en concordance ne méconnaît pas, en elle-même, les exigences constitutionnelles de clarté de la loi.
En d’autres termes, la disposition est constitutionnelle en son principe, et peut concerner les clauses d’un cahier des charges approuvé ou non approuvé par l’autorité administrative.
B) Des limites confirmées
Toutefois, en creux, cette décision fait apparaître les limites du dispositif :
- la procédure de mise en concordance est mise en œuvre par l’autorité administrative,
- le cahier des charges ne peut être modifié qu’à la seule fin de mettre en conformité tout ou partie de ses clauses, y compris celles relatives à l’affectation des parties communes, avec les règles contenues dans le plan local d’urbanisme
- les clauses de nature contractuelle intéressant les seuls colotis. Ne peuvent être adaptées ;
C) Des garanties offertes aux colotis
- Le recours à une enquête publique réalisée dans les conditions prévues au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement.
- Information de la tenue de l’ enquête, par voie dématérialisée et par voie d’affichage, dans un délai d’au moins quinze jours avant son ouverture,
- Enfin un arrêté de mise en concordance qui ne peut intervenir qu’après une délibération du conseil municipal.
Autant d’éléments qui, sans affecter la constitutionnalité du texte, offrent une meilleure lisibilité de cette procédure pour son effectivité dans la pratique administrative et notariale.
III- Une portée pratique encore limitée, mais à suivre attentivement
A) Une disposition peu appliquée… pour l’instant
Dans les faits, peu de collectivités ou de colotis mettent en œuvre la procédure de mise en concordance prévue par l’article L. 442-11. Son absence de déclinaison réglementaire en freine l’usage, et les professionnels de l’aménagement privilégient souvent d’autres solutions, quitte à revoir leurs copies
Cependant, la validation constitutionnelle pourrait inciter à une relance de son application, notamment dans les zones en forte pression foncière ou lors de requalifications urbaines lorsque d’ancien cahier des charges, bloque l’évolution udu secteur...
B) Vers une sécurisation renforcée des opérations d’urbanisme
Cette décision souligne la nécessité, pour les praticiens, de :
- Systématiser la vérification des documents de lotissement au regard du PLU en vigueur ;
- Anticiper les démarches de mise en conformité, le cas échéant, en lien avec la collectivité ;
- Documenter les échanges et décisions afin de prévenir tout contentieux futur, notamment sur les autorisations d’urbanisme.
CONCLUSION
La décision n° 2025‑1142 QPC ne crée pas une révolution juridique, mais elle confère une assise constitutionnelle à une disposition peu appliquée du droit de l’urbanisme.
Le Conseil constitutionnel adopte ici une lecture pragmatique et mesurée, en validant la norme tout en suggérant implicitement une clarification par le législateur ou le pouvoir réglementaire.
Pour les professionnels du droit public, cette décision rappelle que le droit de l’urbanisme ne peut se construire sans une vigilance constante sur la sécurité juridique des opérations, en particulier lorsque les textes sont lacunaires ou ambigus.
L’équipe du pôle Urbanisme et Aménagement du territoire se tient à votre disposition pour répondre à toutes vos questions, n’hésitez pas à nous contacter.