Refus de permis de construire et possibilité d’édicter des prescriptions
CE, Sect., avis, 11 avril 2025, n°498803, Lebon
Par l’avis du 11 avril 2025, n°498803, ici commenté, le Conseil d’Etat bouleverse le contentieux relatif aux refus de délivrer des autorisations d’urbanisme, estimant qu’un tel refus peut toujours être opposé, même si des prescriptions auraient permis de remédier aux irrégularités relevées.
En d’autres termes, l’administration n’est jamais tenue d’émettre des prescriptions pour remédier à des irrégularités d’une demande de permis.
Il rend ainsi l’avis suivant :
« 3. En l'absence de dispositions y faisant obstacle, il est loisible au pétitionnaire, le cas échéant après que l'autorité administrative compétente lui a fait part des absences de conformité de son projet aux dispositions mentionnées à l'article L. 421-6, d'apporter à ce projet, pendant la phase d'instruction de sa demande et avant l'intervention d'une décision expresse ou tacite, des modifications qui n'en changent pas la nature, en adressant une demande ou en complétant sa déclaration en ce sens accompagnée de pièces nouvelles qui sont intégrées au dossier afin que la décision finale porte sur le projet ainsi modifié.4. L'autorité administrative compétente dispose également, sans jamais y être tenue, de la faculté d'accorder le permis de construire ou de ne pas s'opposer à la déclaration préalable en assortissant sa décision de prescriptions spéciales qui, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d'un nouveau projet, ont pour effet d'assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.
5. Le pétitionnaire auquel est opposée une décision de refus de permis de construire ou d'opposition à déclaration préalable ne peut utilement se prévaloir devant le juge de l'excès de pouvoir de ce que l'autorité administrative compétente aurait dû lui délivrer l'autorisation sollicitée en l'assortissant de prescriptions spéciales ».
Comme il ressort de l’analyse sous cet arrêt, le Conseil d’Etat abandonne, tout d’abord, sa jurisprudence CE, 26 juin 2019, n°412429, Lebon, faisant obligation à l’administration de rechercher s’il est possible d’autoriser, en l’assortissant de prescriptions complémentaires, un projet de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, dans le cadre de l’article R.111-2 du code de l’urbanisme.
Ensuite, plus largement, il neutralise tout moyen dirigé contre un refus d’autorisation d’urbanisme fondé sur la circonstance que l’irrégularité relevée par la décision de refus aurait pu faire l’objet de simples prescriptions.
Il avait pourtant déjà jugé, même en dehors du cadre de l’article R.111-2 du code de l’urbanisme, que des insuffisances d’un projet n’impliquant que des modifications minimes qui auraient pu faire l’objet de simples prescriptions ne justifiaient pas un refus de permis de construire (par exemple pour le nombre de stationnements : CE, 12 mai 1989, n°96665).
Il était suivi en cela par d’autres juridictions administratives (voir par exemple CAA Nantes, 17 juin 2011, n°10NT00407 pour un raccordement obligatoire au réseau public d’assainissement, ou CAA Bordeaux, 13 juillet 2023, n°20BX03089 pour l’aménagement de dégagements).
L’avis ici commenté devrait désormais permettre aux autorités compétentes de refuser la délivrance d’autorisations d’urbanisme même pour des irrégularités très limitées dans leur objet et qui auraient pu être aisément corrigées par de simples prescriptions.