Cycle acquisition d’entreprise # 3 : sécuriser le prix via la locked-box

Dans ce troisième article du cycle « acquisition d’entreprise » (articles #1 et #2 disponibles ici et ici), nous vous proposons d’aborder la question du prix d’acquisition et de sa sécurisation. L’acquisition d’entreprise est une opération complexe et plus particulièrement lorsqu’il est question des modalités de fixation du prix.

Il existe plusieurs mécanismes pour établir le prix d’acquisition avec plus ou moins de marge de manœuvre. Les deux mécanismes les plus fréquents sont ceux de l’ajustement du prix via une clause de complément de prix, qui sera étudié dans le prochain article (#4 à venir), et celui de la « locked-box », décrit ci-après.

2. La description du mécanisme de locked-box

Avec la méthode « locked-box », le cédant et le cessionnaire s’accordent sur un prix d’acquisition définitif fixé au signing, c’est-à-dire dès la conclusion du contrat conditionnel, la promesse synallagmatique de vente et d’achat. Le prix d’acquisition ne sera pas ajusté lors de la conclusion du contrat définitif, au moment du closing.

Ce mécanisme permet de verrouiller le prix d’acquisition calculé sur la base des derniers comptes de référence, généralement les comptes du dernier exercice clos et qui sont audités. Toutefois, si la date des derniers comptes audités est trop éloignée de la date de la transaction, généralement lorsque le prix est fixé à partir des comptes qui ont plus de 6 mois d’ancienneté, des comptes intermédiaires seront demandés au vendeur.

Dans le cas du recours à cette méthode dite de la « locked box », l’acquéreur accepte de ne pas pouvoir réviser le prix initialement estimé et convenu entre les parties au moment de la signature de la promesse et ce quel que soit la situation de trésorerie, d’endettement, ou l’évaluation du besoin en fonds de roulement de la cible. Les données financières telles que la trésorerie, les charges, l’endettement et le besoin en fonds de roulement existent et se trouvent dans les états financiers de référence. En conséquence, la valeur d’entreprise est appréciée sur une base historique et non prospective.

Le prix d’acquisition est fixé et inscrit dans le contrat conditionnel, il sera repris tel quel dans le contrat définitif. La propriété économique de la cible est transférée au cessionnaire à la date de référence. La trésorerie générée par la cible entre ce jour et la date de clôture de la transaction est conservée par celle-ci.

Ainsi, ce mécanisme de locked-box opère un transfert du risque économique à l’acquéreur dès la signature du contrat conditionnel. En contrepartie l’acquéreur aura droit de percevoir les bénéfices dès la date à laquelle la « boîte a été verrouillée » jusqu’à la fin de l’acquisition. Sous réserve des mécanismes de correction, ci-après décrits, toute variation de la valeur d’entreprise qu’elle soit positive ou négative, sera pour l’acquéreur.

Les principaux avantages d’un tel mécanisme se trouvent dans la simplification des négociations entre les parties, l’absence d’incertitude puisque le prix est figé avant la clôture de la transaction et le transfert de propriété juridique à l’acquéreur peut être accéléré.

L’inconvénient majeur se trouve quant à lui durant la période intermédiaire, entre le signing et le closing, car l’acquéreur porte le risque économique alors que dans le même temps, le vendeur assume la direction de l’entreprise. De ce fait le mécanisme de la locked-box entraine des exigences importantes en termes d’information financières et de garanties au profit de l’acquéreur.

2. Les engagements du cédant pour sécuriser le mécanisme de locked-box

Bien que le mécanisme de locked-box soit à l’avantage du vendeur, puisque le prix est fixé définitivement lors de la conclusion du contrat conditionnel ; il n’en reste pas moins que celui-ci doit fournir des états financiers détaillés et tout élément important à l’acquéreur pour qu’il effectue un audit comptable et fiscal approfondi en amont de la signature du contrat (puisqu’aucun ajustement ultérieur ne pourra être envisagé).

En pratique, il est recommandé d’établir, après la phase de remise d’offre indicative (cf : « Cycle acquisition d’entreprise #2 : les étapes clés »), une seconde phase de remise d’offre ferme qui sera suivie, si elle est acceptée, par la conclusion du contrat conditionnel. La phase de remise d’offre ferme est estimée généralement entre 7 à 8 semaines afin que l’acquéreur ait le temps de mener un audit approfondi.

En outre, lors de la conclusion de la promesse, l’acquéreur demandera au cédant de lui fournir des garanties contre un éventuel amoindrissement de la valeur d’entreprise entre le signing et le closing.

En effet, et parce que l’acquéreur supporte le risque économique de la cible avant la signature définitive alors que le vendeur reste à la tête de l’entreprise, les décisions de gestion que pourra prendre le cédant devront être encadrées.

Le contrat conditionnel prévoira les pertes de valeur auxquelles le vendeur s’interdira de procéder entre le signing et le closing. Le contrat encadrera, alors, les modalités selon lesquelles le vendeur peut gérer l’entreprise entre la période de signature du contrat et celle de sa prise d’effet.

Il conviendra de définir les sorties de valeur non autorisées ou sous conditions : seront généralement considérées comme telles toute décision de gestion n’entrant pas dans la « conduite normale des affaires », effectuée pendant la période intermédiaire et ayant pour effet de diminuer l’actif de l’entreprise ou d’en augmenter le passif de la cible. Il pourrait s’agir de l’interdiction de céder un actif de la société, ou encore l’interdiction de prise en charge par la cible de frais importants non liés à la marche des affaires.

Si le cédant ne respecte pas ses engagements et s’il effectue des actes prohibés par le contrat conditionnel, alors une correction économique s’appliquera, soit au travers d’un paiement compensatoire, le versement d’une indemnité par le vendeur à l’acquéreur, soit au travers d’une réduction de prix. La demande de l’acquéreur au titre d’une perte de valeur non autorisée devra être formulée dans un délai relativement court après l’acquisition (entre 3 et 9 mois). La compensation ne fera pas l’objet de limitation par un mécanisme de seuil ou de plafond, contrairement à la garantie de passif. En effet, l’indemnité ou réduction de prix dont il est question ici est propre au mécanisme de la locked-box et doit être différencié de la convention de garantie d’actif-passif, qui sera étudier dans un prochain article.

En conclusion, le mécanisme de locked-box est simple, rapide et efficace mais doit être précisément encadré dans l’acte conditionnel. Dans un contexte d’opération d’acquisition où la rapidité et la liquidité priment, ce mécanisme de fixation du prix est très largement utilisé.

Dans un autre contexte, notamment lorsqu’il est difficile d’évaluer une entreprise par rapport à son historique, ou encore parce que l’acquéreur souhaite s’attacher l’expérience de l’homme clé, le fondateur cédant, le mécanisme de complément de prix, avec la clause d’earn-out, est préféré par l’acquéreur.

Synthèse des avantages et inconvénients de la méthode de la « locked-box »

Avantages pour le vendeur  

- Certitude quant au prix - évite les mauvaises surprises
- Contrôle du processus
- Simplicité d’exécution
- Économies liées à l’absence de nécessité d’établir des états financiers de clôture  
Avantages pour l’acquéreur

- Certitude quant au prix de cession – financement plus facile
- Économies liées à l’absence de nécessité d’établir des états financiers de clôture  
Inconvénients pour le vendeur

- Absence de bénéfice tiré de l’exploitation postérieure à la date de signature du contrat conditionnel  
Inconvénients pour l’acquéreur

- Importance des déclarations et garanties du vendeur et de la confiance requise dans les états financiers de référence : augmentation du coût des audits
- Risque lié à la détérioration de l’activité postérieurement à la date de signature du contrat conditionnel
- Proposer et négocier la base d’une valorisation fixe en amont, sans avoir une connaissance parfaite de la société cible.

Le prochain article à paraitre dans le cycle « Acquisition d’entreprise » portera sur le mécanisme de complément de prix (clause d’earn-out).

L’équipe du pôle Croissance Externe/Corporate se tient à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.