Le défaut de remboursement du compte courant d’associé n’est pas une cause d’annulation de la cession de titres
La Cour de cassation, dans son arrêt du 12 février 2025, consacre de manière claire l’indépendance des créances issues d’un compte courant d’associé et le prix de rachat des parts sociales à la suite d’une réduction de capital.
Dans le cadre d’une opération de restructuration plus globale, les deux associés d’une SELARL ont décidé le 3 janvier 2019 (puis réitéré leur décision le 6 mars 2019) d’une réduction de capital par voie de rachat et annulation de la totalité des parts sociales d’un des associés (l’« Associé Cédant »).
L’Associé Cédant a mis en demeure la SELARL (devenue une société de participations financières de profession libérale – SPFPL) de régler le montant de la cession des parts, le solde créditeur de son compte courant et les intérêts dus sur ces montants. Cette mise en demeure étant restée vaine, l’Associé Cédant a assigné la SPFPL et son associé pour annulation de la réduction de capital et paiement de ces montants.
Selon l’Associé Cédant « le rachat des parts sociales d’un associé par la société, qui provoque l’annulation de ses parts, fait naître à la charge de la société l’obligation de rembourser le compte courant de l’associé ». Par conséquent, l’Associé Cédant estime que le défaut de remboursement de son compte courant d’associé entraine la nullité de la délibération ayant prononcé le rachat et l’annulation de ses parts sociales.
La cour d’appel, ne fait pas droit à la demande de l’Associé Cédant et la Cour de cassation suit le même raisonnement. Cette dernière indique que lors des assemblées générales ayant acté l’opération de réduction de capital, il était uniquement évoqué, comme condition du rachat/annulation des parts sociales de l’Associé Cédant, le paiement d’une somme de 355.000 euros (le prix de rachat des parts sociales) sans autres précisions ni sur les modalités de règlement de cette somme, ni sur le remboursement du compte courant détenu par l’Associé Cédant.
En outre, la Cour de cassation rappelle que sauf stipulation contraire, tout associé est en droit d’exiger, à tout moment et peu important les motifs, le remboursement de son compte courant, dans la mesure où l’avance ainsi consenti constitue un prêt à durée indéterminée.
Elle constate, alors, qu’en l’absence de stipulation contraire, l’obligation de payer le prix des parts à la suite de l’opération de réduction de capital est indépendante de l’obligation de rembourser le compte-courant d’associé.
Par conséquent, la Cour de cassation, tout comme la cour d’appel, juge que, bien que l’Associé Cédant soit en droit de demander le remboursement de son compte courant, il n’est, pour autant, pas fondé à faire état du défaut de remboursement pour demander la résolution de la délibération portant sur la réduction de capital et donc l’annulation du rachat de ses parts sociales.
Cass.com., 12 févr. 2025, n°23-17.483
La décision de la Cour de cassation se montre cohérente aussi bien au regard des textes légaux (lecture stricte des articles 1103, 1104, 1654 et 1224 du Code civil) qu’au regard de la pratique. Elle s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence antérieure qui exige une clarté contractuelle pour toute interconnexion d’obligations.
En effet, la décision est rigoureuse en ce qu’elle établit que sans stipulation contractuelle liant clairement le rachat des parts au remboursement du compte courant, les deux obligations demeurent distinctes.
Il faut donc tirer de cet arrêt la conclusion suivante : les parties prenantes doivent clairement prévoir, dans leurs conventions, les modalités de remboursement des comptes courants lors de la cession de parts sociales, surtout s’ils souhaitent que celles-ci soient interdépendantes. Ainsi, la décision rappelle l’importance d’une rédaction précise des clauses contractuelles.
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