Le délai de cristallisation est opposable aux référés « étude d’impact » contre les autorisations d’urbanisme

Au regard de l’arrêt CE, 17 avril 2023, n°468789, Tables Lebon, même lorsqu’une autorisation d’urbanisme est affectée d’une illégalité tenant à l’absence d’étude d’impact, une demande de suspension ne peut être accueillie que si elle est présentée avant l’expiration du délai de cristallisation des moyens.

En l’absence d’étude d’impact requise, cette demande de suspension peut être présentée sur le fondement de l’article L.521-1 du code de justice administrative ou de l’article L.122-2 du code de l’environnement.

Ainsi, l’article L.521-1 du code de justice administrative permet de saisir le juge des référés pour qu’il ordonne la suspension d’une décision administrative, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond.

Deux conditions doivent en principe être réunies, l'urgence à suspendre et l’existence d’un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

Par ailleurs, l’article L.122-2 du code de l’environnement prévoit que si une demande de référé suspension contre ces actes est fondée sur l’absence d’étude d’impact, alors le juge des référés y fait droit si cette absence est constatée.

On peut désigner ce dispositif comme le « référé étude d’impact » ou « référé évaluation environnementale » (CE, 19 juin 2015, n°386291, Lebon).

Mais dans le contentieux des autorisations d’urbanisme, des règles particulières s’appliquent.

L’article L.600-3 du code de l’urbanisme impose que la « requête en référé suspension » dirigée contre une autorisation d’urbanisme soit présentée avant l’expiration du délai de cristallisation des moyens soulevés devant le juge de premier ressort. En contrepartie, la condition d’urgence est présumée satisfaite.

Ces règles s’appliquent naturellement dans le cadre du référé suspension de l’article L.521-1 du code de justice administrative dirigé lorsqu’il est dirigé contre une autorisation d’urbanisme.

Mais sont-elles également applicables dans le cadre du référé « étude d’impact » ?

C’est la question à laquelle devait répondre le Conseil d’Etat.

Ainsi, dans le cas d’espèce, l’absence d’étude d’impact avait été établie par un jugement avant-dire droit, intervenu le 14 septembre 2022. Le Tribunal administratif avait sursis à statuer sur le recours dirigé contre un permis de construire pour la réalisation d’un équipement sportif. Ce sursis à statuer devait précisément permettre de régulariser l’absence d’étude d’impact jointe au dossier de demande et l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale dispensant le projet d’étude d’impact.

A la lecture des conclusions du rapporteur public M. Ph. Ranquet sous l’arrêt ici commenté, antérieurement à ce jugement avant-dire droit, les requérants avaient vainement présenté une requête en référé suspension.

Postérieurement à ce jugement, les requérants avaient alors renouvelé leur demande de suspension, sur le fondement de l’article L.122-2 du code de l’environnement.

Et cette fois-ci, le juge des référés avait prononcé la suspension du permis de construire. Il avait estimé que les dispositions de l’article L.600-3 du code de l’urbanisme ne trouvaient pas à s’appliquer dans ce cas particulier, les dispositions de l’article L.122-2 du code de l’environnement relevant d’une législation distincte de celle de l’urbanisme.

Saisi en cassation, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance de référé.

Il juge ainsi que :

« lorsqu'est présenté un moyen tiré de l'absence d'étude d'impact à l'appui d'une demande de suspension d'une des décisions mentionnées à l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme et que le juge constate l'absence d'une telle étude, il fait droit à la demande, alors même que le requérant ne se prévaut pas des dispositions de l'article L. 122-2 du code de l'environnement, sans s'interroger sur l'existence ou non d'une urgence à suspendre l'exécution de la décision. Toutefois, il résulte des mêmes dispositions qu'une telle demande de suspension n'est recevable, quel qu'en soit le fondement, que jusqu'à l'expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort. La circonstance que, par un jugement avant-dire-droit, le juge ait constaté l'absence d'étude d'impact et accordé aux parties un délai pour régulariser ce vice est sans incidence sur le calcul de ce délai »

Le délai fixé à l’article L.600-3 du code de l’urbanisme pour présenter une « requête en référé suspension » est ainsi opposable à toute demande de suspension d’une autorisation d’urbanisme, quel qu’en soit le fondement.

En conséquence, le référé « étude d’impact » n’est pas dispensé de respecter ce délai.