Droit de préemption : délai d’exercice et impossibilité de retirer une renonciation à l’exercer
Le droit de préemption urbain doit en principe être exercé dans le délai de deux mois suivant la réception de la déclaration d’intention d’aliéner (DIA), conformément aux articles L.213-2 et R.214-5 du Code de l’urbanisme.
Ce principe vise notamment à ce que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption sachent de façon certaine et dans de brefs délais s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation envisagée. Il constitue donc pour eux une garantie.
Ce principe connaît toutefois des aménagements rappelés dans l’arrêt du Conseil d’Etat ici commenté, rendu à l’occasion d’un pourvoi en cassation contre une ordonnance de référé ayant rejeté la demande de suspension contre une décision de préempter.
La Haute Juridiction y précise, d’une part, à quelles conditions le point de départ de ce délai peut être reporté, et quand il peut être suspendu. Elle y affirme d’autre part l’impossibilité de retirer une renonciation à préempter.
1. Délai d’exercice du droit de préemption urbain
S’agissant du délai pour exercer le droit de préemption urbain, le Conseil d’Etat précise que :
- d'une part, dans le cas où la déclaration initiale est entachée d'une erreur substantielle portant sur la consistance du bien objet de la vente, son prix ou les conditions de son aliénation, le délai de deux mois ne court qu'à compter de la réception par l'administration d'une déclaration rectifiée.
Il s’agit là d’un principe déjà énoncé à l’arrêt CE, 24 juillet 2009, n°316258, Tables Lebon.
- D'autre part, ce délai est suspendu à compter de la réception par le propriétaire de la demande unique de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière ou de la demande de visite du bien effectuée par le titulaire du droit de préemption. Il reprend alors à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision.
Dans le cas d’espèce, une DIA avait été déposée le 27 mars 2024, précisant qu’elle portait sur un immeuble « bâti sur terrain propre » constitué d'un bâtiment endommagé par un incendie à l'été 2023 que la propriétaire, s'était engagée, aux termes de la promesse de vente annexée à la déclaration, à démolir à ses frais avant le transfert de propriété pour rendre le terrain nu.
Néanmoins, par un courrier du 19 avril 2024, la commune avait indiqué à la propriétaire du bien qu'elle ne pouvait instruire le dossier au motif que cette déclaration mentionnait « un bien bâti alors que la promesse de vente annexée fait référence à la vente d'un terrain nu » et lui avait demandé de lui faire parvenir une nouvelle déclaration, ce qui avait été effectué le 29 avril 2024.
La décision de préempter avait été ensuite prise le 24 juin 2024, soit plus de deux mois après le dépôt de la première DIA mais moins de deux mois après le dépôt de la nouvelle DIA.
Le Conseil d’Etat, au vu de ces éléments, estime que le moyen tiré de la tardiveté de la préemption était propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision.
Selon lui, la DIA n’était entachée d’aucune erreur substantielle quant à la consistance du bien au regard des éléments évoqués ci-dessus. Elle était conforme à l'état du bien à la date de sa réception par la commune et comportait la promesse de vente précisant, au titre des conditions de l'aliénation projetée, que le bâtiment en cause était endommagé mais que le vendeur s'engageait à le démolir à ses frais et à livrer pour le prix convenu un terrain nu de toute construction.
En conséquence, le courrier du 19 avril 2024 adressé par la commune n’avait pas pu proroger le délai de deux mois dont elle disposait pour exercer son droit de préemption.
2. L’impossibilité de retirer une renonciation à préempter
Dans un second temps, le Conseil d’Etat précise que la renonciation à préempter ne peut pas être retirée, qu’elle découle de l’expiration du délai de deux mois ou d’une décision explicite :
« Lorsqu'il a décidé de renoncer à exercer le droit de préemption, que ce soit par l'effet de l'expiration du délai de deux mois, le cas échéant suspendu ou prorogé dans les conditions rappelées aux points 5 et 6, ou par une décision explicite prise avant l'expiration de ce délai, le titulaire du droit de préemption se trouve dessaisi et ne peut, par la suite, retirer cette décision ni, par voie de conséquence, légalement exercer son droit de préemption. Si la cession est intervenue et s'il estime que la déclaration préalable sur la base de laquelle il a pris sa décision était entachée de lacunes substantielles de nature à entraîner la nullité de la cession, il lui est loisible de saisir le juge judiciaire d'une action à cette fin ».
L’exercice du droit de préemption n’est donc plus légalement possible après une telle renonciation.
Si après cette renonciation, l’autorité exerçant le droit de préemption considère que la DIA était entachée de lacunes substantielles, alors il lui appartient de saisir le juge judiciaire en vue de faire constater la nullité de vente.
CE, 7 novembre 2025, n° 500233, Tables Lebon
L’équipe du pôle Urbanisme et Aménagement du territoire se tient à votre disposition pour répondre à toutes vos questions, n’hésitez pas à nous contacter.