Naissance d’un permis tacite malgré la production de pièces nouvelles : iIllustration
L’arrêt CE, 14 novembre 2025, n°496754 ici commenté illustre la difficulté que peut rencontrer l’autorité instruisant une demande d’autorisation d’urbanisme, lorsque le pétitionnaire produit de nouvelles pièces modifiant sa demande quelques jours avant la fin du délai d’instruction et la naissance d’une autorisation tacite.
Cette situation avait donné l’occasion au Conseil d’Etat de dégager un principe, dans son arrêt CE, 1er décembre 2023, n°448905, Lebon, selon lequel :
« En l'absence de dispositions expresses du code de l'urbanisme y faisant obstacle, il est loisible à l'auteur d'une demande de permis de construire d'apporter à son projet, pendant la phase d'instruction de sa demande et avant l'intervention d'une décision expresse ou tacite, des modifications qui n'en changent pas la nature, en adressant une demande en ce sens accompagnée de pièces nouvelles qui sont intégrées au dossier afin que la décision finale porte sur le projet ainsi modifié. Cette demande est en principe sans incidence sur la date de naissance d'un permis tacite déterminée en application des dispositions mentionnées ci-dessus. Toutefois, lorsque du fait de leur objet, de leur importance ou de la date à laquelle ces modifications sont présentées, leur examen ne peut être mené à bien dans le délai d'instruction, compte tenu notamment des nouvelles vérifications ou consultations qu'elles impliquent, l'autorité compétente en informe par tout moyen le pétitionnaire avant la date à laquelle serait normalement intervenue une décision tacite, en lui indiquant la date à compter de laquelle, à défaut de décision expresse, la demande modifiée sera réputée acceptée. L'administration est alors regardée comme saisie d'une nouvelle demande se substituant à la demande initiale à compter de la date de la réception par l'autorité compétente des pièces nouvelles et intégrant les modifications introduites par le pétitionnaire. Il appartient le cas échéant à l'administration d'indiquer au demandeur dans le délai d'un mois prévu par l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme les pièces manquantes nécessaire à l'examen du projet ainsi modifié ».
Il en ressort que la production de pièces nouvelles ne peut proroger le délai d’instruction que si, notamment, l’autorité instruisant la demande informe par tout moyen le pétitionnaire de cette prorogation avant la date à laquelle serait normalement intervenue une décision tacite.
L’arrêt ici commenté, qui concerne la même affaire, réaffirme le caractère indispensable de cette information du pétitionnaire, même lorsqu’elle apparaît difficile à effectuer en pratique compte tenu du délai réduit dont dispose l’administration.
Ainsi, dans ce dossier, les pièces nouvelles avaient été adressées par le pétitionnaire un vendredi, tandis que le délai d’instruction expirait le lundi suivant, à minuit. Ces pièces nouvelles étaient constituées de nouveaux plans modifiant le parking et les accès aux immeubles projetés.
Mais même si ces modifications impliquaient une nouvelle instruction au regard de leur portée, il appartenait à l’administration d’informer le pétitionnaire, par tout moyen, d’une prorogation du délai d’instruction, avant la naissance du permis tacite à l’expiration du délai d’instruction initialement prévu.
Or tel n’avait pas été le cas en l’espèce : l’administration avait simplement notifié un refus de permis de construire, après la naissance du permis tacite.
En conséquence, le Conseil d’Etat juge qu’en « l'absence de toute information, par quelque moyen que ce soit, du service instructeur au pétitionnaire sur la prorogation des délais d'instruction de la demande », c’est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel a jugé qu’un permis tacite était né, et que le refus de permis postérieurement notifié devait s’analyser comme un retrait de ce permis tacite.
Rappelons qu’un tel retrait doit, en principe, être précédé d’une procédure contradictoire qui n’avait pas ici été mise en œuvre.
Le refus de permis de construire était donc illégal
CE, 14 novembre 2025, n°496754, Tables Lebon
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