Atteinte à la liberté d’expression dans le secteur bancaire : le licenciement est nécessairement nul

A l’occasion d’un rachat de société, un salarié Directeur dans le secteur bancaire avait fait part de son désaccord quant aux modalités de transfert des comptes de compensation de Paris à Londres, et alerté sa hiérarchie sur le risque de fraude fiscal et ses conséquences pénales. Licencié le mois suivant pour insuffisance professionnelle, le Salarié sollicitait la nullité de son licenciement aux motifs que ce dernier serait en réalité motivé par son alerte.

La Cour d’appel après avoir constaté qu’aucun des éléments versés aux débats ne démontrait l’usage de termes outranciers ou injurieux, considérait que le salarié n’avait pas abusé de sa liberté d'expression et que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse. 

La Cour de cassation censure l’arrêt au visa des articles L.1121-1 du Code du travail et l’article 10 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales  dès lors qu’elle avait constaté l’absence d’abus dans la liberté d’expression, la Cour d’appel aurait dû en déduire la nullité du licenciement (Soc.,16 février 2022 n°19-17871, publié).

La solution retenue par la Cour de cassation s’inscrit dans sa jurisprudence constante selon laquelle sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d’expression (Soc, 28 avril 2011, n°10-30.107 ;   Soc, 27 mars 2013, n°11-19.734 ) de sorte que le licenciement d’un salarié fondé sur l’exercice du droit d’expression est nul (Soc. 28 avril 1988, n° 87-41.804).

Elle s’inscrit également dans le mouvement législatif désormais ancien visant à apporter une protection particulière aux lanceurs d’alerte (notamment la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 dite « loi Sapin II »). L’on rappellera à cet égard que les établissements régulés par l’AMF ou l’ACPR ont notamment l’obligation de mettre en place un dispositif d’alerte interne permettant au personnel de signaler tout manquement à la règlementation financière. Des dispositions du Code monétaire et financier permettent également le signalement directement auprès de l’ACPR ou de l’AMF des manquements professionnels ainsi que la protection du lanceur d’alerte.

Le département droit social ainsi que le département banque, finance et assurance du Cabinet sont à votre disposition pour tout complément d’information.