Résiliation du bail commercial en cas d’exercice d’une activité non prévue par les stipulations contractuelles
Dans le cadre d’un bail commercial, la clause de destination fixe l’usage autorisé des locaux. Toute activité exercée en dehors de cette clause peut entraîner la mise en œuvre d’une clause résolutoire, sauf accord exprès du bailleur ou renonciation non équivoque de sa part.
L’exercice d’une activité non autorisée par le bail mais dont le bailleur avait connaissance peut-il entraîner la résiliation d’un bail commercial ?
Rappel des faits et de la procédure :
Par acte du 16 mars 2006, la société Garage de Châtel a pris à bail commercial, pour neuf années, des locaux appartenant à M. [R], aux droits duquel vient la société civile immobilière Foncière PVS, pour une activité d'achat, vente et exposition de véhicules neufs et d'occasion.
En 2017, le bailleur notifie au locataire son refus d'accéder à sa demande d'exercer une activité de réparation de véhicules d'occasion et vente de pièces détachées de véhicules à moteur.
Le 16 novembre 2018, le bailleur délivre au preneur, au visa de la clause résolutoire, un commandement d'avoir à respecter l'article 4 du bail relatif à la destination des locaux loués ainsi qu'un autre commandement de payer diverses sommes, visant aussi la clause résolutoire.
Le locataire assigne le bailleur en annulation de ces commandements. Le bailleur demande, à titre reconventionnel, que soit constatée la résiliation du bail.
La Cour d’appel de Metz, dans son arrêt du 27 juillet 2023, constate l’acquisition de la clause résolutoire et prononce la résiliation du bail pour inexécution des obligations du preneur.
Elle considère que la clause de destination ne permettait pas l’activité de réparation et de vente de pièces détachées, distincte de celle initialement prévue. En effet, l’attestation produite par la locataire ne constituait pas un accord écrit et non équivoque de la bailleresse, et que le silence de la bailleresse, bien qu’informée des activités exercées, ne suffisait pas à caractériser une renonciation à ses droits.
En conséquence, elle constate la résiliation du bail, ordonne l’expulsion du locataire, et prononce sa condamnation au paiement d’indemnités d’occupation et de pénalités de retard.
Le locataire forme un pourvoi en cassation au visa des articles 1134 et 1103 du code civil en relevant d’une part, que la clause de destination ne prévoyait qu’une faculté pour le preneur d’exercer l’activité prévue et que l’attestation selon laquelle le locataire informait son bailleur de son intention d’exercer une autre activité devait s’analyser comme une modification de la destination du bail d’autant que le bailleur ne s’y est pas formellement opposé.
Analyse de la solution de la Cour de cassation
La Cour de cassation rejette le pourvoi en considérant que la clause de destination n’autorisait que l’activité d’achat, vente, exposition de tous véhicules et non celle de réparation et de vente de pièces détachées constituant une activité distincte.
La Cour de cassation relève que le bailleur n’a pas donné un accord clair et non équivoque sur l’exercice de cette nouvelle activité et que son silence, malgré la connaissance desdites activités, n’emportait pas renonciation à se prévaloir de la clause de destination du bail.
Cette solution n’est pas nouvelle.
En effet, de nombreuses décisions ont constaté la résiliation du bail commercial pour la violation de la clause de destination du bail commercial (pour quelques exemples : Civ 3e 15 avril 2008 n°07-10.859 – Civ 3e 8 juin 2017 n°15-26.208 - CA Rouen, ch. civ. et com., 12 oct. 2023, n° 22/03543).
L’arrêt commenté est néanmoins intéressant puisqu’il précise que le silence du bailleur malgré sa connaissance de l’exercice d’une activité non autorisée par les stipulations contractuelles n’emporte pas renonciation de ses droits et ne vient faire obstacle ni à la délivrance d’un commandement visant la clause résolutoire ni à la résiliation judiciaire du bail.
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