Les contrats de mise à disposition de locaux à usage de bureaux et de prestations de services ne sont pas des sous locations

L’utilisation de locaux à usage de bureaux s’accommode, parfois, difficilement avec le statut des baux commerciaux. Le développement des centres d’affaires ou encore du coworking répond à cette préoccupation. Ces activités impliquent la mise à disposition, généralement à titre temporaire, de locaux aménagés à des tiers, cette mise à disposition s’accompagnant d’autres prestations.

Cette mise à disposition est telle assimilable à une sous location ?

Par un arrêt du 27 juin 2024, la 3e chambre civile de la Cour de cassation est venue préciser que la qualification de sous-location, au sens de l’article L 145-31 du Code de commerce, est exclue lorsque le locataire met à disposition de tiers les locaux loués moyennant un prix fixé globalement, qui rémunère indissociablement tant la mise à disposition des locaux que des prestations de services spécifiques recherchées par les clients.

Rappel des faits et de la procédure

Le 27 juillet 2006, une SCI donne en location à une société des locaux à usage commercial. Le locataire conclut avec des tiers des contrats intitulés prestations de services et mises à disposition de bureaux. L’objet de ces contrats, outre de mettre à disposition des bureaux, est de proposer diverses prestations telles que le ménage, l’accueil, la sécurité, l’assurance ainsi qu’une connexion WI-FI.

Soutenant qu’il s’agissait de sous locations irrégulières, la bailleresse assigne le locataire en réajustement de loyer principal prévu par l’article L 145-31 du Code de commerce « lorsque le loyer de la sous location est supérieur au prix de la location principale, le propriétaire a la faculté d’exiger une augmentation correspondante du loyer de la location principale ».

Pour retenir la qualification de sous location et faire droit à la demande de réajustement de loyer formée par la bailleresse, la Cour d’appel de Rennes relève, dans son arrêt du 12 octobre 2022, que les contrats de mise à disposition d’un bureau aux entreprises mentionnent précisément le numéro de bureau ainsi que sa surface ; qu’ils prévoient une contrepartie financière fixée notamment en fonction de la superficie du bureau et pas seulement par la prestation de services ; que les entreprises ont un accès permanent à leur bureau ; qu’elles s’engagent à le maintenir dans un bon état d’entretien et en assurent la fermeture et que la durée des contrats est fixée à un mois mais renouvelable par tacite reconduction.

La Cour d’appel en déduit que la prestation essentielle du contrat est la mise à disposition de bureaux à des tiers, de manière exclusive et sans limitation dans le temps, dès lors que les prestations fournies comme l’entretien, l’accueil, la sécurité, l’assurance et le wifi ne sont qu’accessoires à la fourniture de bureaux équipés.

Analyse de la solution de la Cour de cassation

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles 1709 du Code civil et L 145-31 alinéa 3 du Code de commerce.

Aux termes du premier de ces textes, le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer.

Selon le second texte visé, lorsque le loyer de la sous-location est supérieur au prix de la location principale, le propriétaire a la faculté d'exiger une augmentation du loyer de la location principale, dont le montant, à défaut d'accord entre les parties, est déterminé selon une procédure fixée par décret en Conseil d'État, en application des dispositions de l'article L. 145-56 du Code du commerce.

Après avoir énoncé les règles applicables, la troisième chambre civile de la Cour de cassation casse la Cour d’appel dans les termes suivants « En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que la redevance fixée globalement rémunérait indissociablement tant la mise à disposition de bureaux équipés que les prestations de services spécifiques recherchées par les clients, la cour d’appel, par des motifs impropres à caractériser des contrats de sous location au sens de l’article L 145-31 du Code de commerce a violé les textes susvisés ».

La décision de la haute juridiction n’est pas nouvelle, elle a déjà statué dans des cas similaires, en excluant la qualification de sous location en présence de nombreuses prestations.

Dans une décision de 2002, la troisième chambre civile avait ainsi écarté la qualification de sous location, compte tenu des limitations à la jouissance des lieux par l’utilisateur, et des nombreuses prestations mises à la charge du preneur du bail commercial (Cass. 3e civ, 13 février 2002, n ° 00-17.994).

De même, la troisième chambre civile a jugé que n’était pas une sous -location la privatisation d’une salle incluant la prise en charge des formalités administratives, avec mise à disposition du personnel, d’un orchestre ou d’un disc-jockey (Cass. 3e civ, 16 mai 2000, n° 98-19.427).

Mais, l’arrêt commenté ajoute un critère celui de l’existence d’une redevance « fixée globalement » rémunérant « indissociablement tant la mise à disposition de bureaux équipés que les prestations de service spécifiques recherchées par les clients ».

Dès lors pour qualifier la convention, la Cour de cassation prend en compte le caractère indissociable des prestations de services et la mise à disposition du local ainsi qu’une redevance fixée globalement.

Il n’est pas possible de requalifier le contrat en deux contrats distincts : une sous location d’une part, un contrat de prestation de services d’autre part, dès lors qu’il n’y a qu’un seul prix pour l’ensemble.

Ainsi, le sous contrat n’étant pas une sous location mais un contrat de prestations de services, le propriétaire ne pouvait pas demander le réajustement du loyer.

Le département Droit immobilier vous accompagne dans toutes vos problématiques liées au statut des baux commerciaux.

Pour toute question, n’hésitez pas à nous contacter.