Pas de mise en concurrence pour une occupation du domaine privé d’une commune

Le Conseil d’État a décidé de terminer l’année 2022 en laissant derrière lui sa jurisprudence Jean Bouin.

Suite et fin du contentieux relatif à l’hôtel du Palais de Biarritz.

Le Conseil d’État confirme que la procédure de mise en concurrence ne s’applique pas aux personnes publiques pour la délivrance d’autorisation sur des biens appartenant à leur domaine privé, dès lors que les baux ne constituent pas une autorisation pour l’accès à une activité de service ou à son exercice.

L’hôtel du Palais de Biarritz, acquis par la commune en 1956 a été exploité par la société Sobadex puis, depuis 1961, par la société d’économie mixte Socomix, dont la commune possédait 68 % des actions jusqu’en octobre 2018.

Par une délibération du 30 juillet 2018, le conseil municipal a autorisé le maire à signer un bail emphytéotique avec la société Socomix pour une durée de 75 ans.

Un conseiller municipal a demandé l’annulation de cette délibération au motif qu’elle serait contraire à l’obligation de publicité et de mise en concurrence préalables à la délivrance d’une autorisation d’occupation du domaine public.

Le Conseil d’État estime que l’autorisation d’occupation du domaine privé ne constitue pas une autorisation pour l’accès à une activité de service.

Il distingue, d’une part, l’hypothèse dans laquelle la collectivité, en sa qualité d’autorité administrative, délivre une autorisation « pour l’accès à une activité de service ou à son exercice au sens [de la directive « services »] », et d’autre part, celle dans laquelle la collectivité « se comporte comme un opérateur ou bailleur privé, gérant son domaine privé sans prérogative particulière ».

La directive « Services » du 12 décembre 2006, transposée par l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, impose des obligations de publicité et mise en concurrence préalablement à la délivrance d’autorisations d’occupation du domaine public permettant l’exercice d’une activité économique.

Cela est codifié à l’article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) qui pose le principe selon lequel :

 « Lorsque l’occupation ou l’utilisation autorisée est de courte durée ou que le nombre d’autorisations disponibles pour l’exercice de l’activité économique projetée n’est pas limité, l’autorité compétente n’est tenue que de procéder à une publicité préalable à la délivrance du titre, de nature à permettre la manifestation d’un intérêt pertinent et à informer les candidats potentiels sur les conditions générales d’attribution ».

Il ne résulte, selon la juridiction, ni de la directive ni de la jurisprudence de la Cour de justice que de telles obligations s’appliqueraient aux personnes publiques préalablement à la conclusion de baux portant sur des biens appartenant à leur domaine privé. (CJUE, 14 juillet 2016, Promoimpresa Srl (C-458/14 et C-67/15).

Le Conseil d’État a, en outre, rejeté le moyen tiré de ce que la conclusion d’un tel bail méconnaîtrait cette directive.

L’absence d’obligation de publicité et mise en concurrence à cette catégorie d’actes ne résultant d’aucun texte, l’État ne saurait être regardé comme n’ayant pas pris les mesures de transposition nécessaires.

Le Conseil d’État aurait pu interroger la Cour de justice de l’Union Européenne à travers une question préjudicielle pour conforter son interprétation.

Dans une autre décision du même jour, le Conseil d’État a rappelé que le titre d’occupation du jardin du Luxembourg délivré par le Sénat « qui constitue un acte formel relatif à l’accès à une activité de service ou à son exercice, délivré à la suite d’une démarche auprès d’une autorité compétente, constitue (…) une autorisation au sens de la (…) directive » nécessite le respect des mesures de publicité et de mise en concurrence.

CE, 2 décembre 2022, M. A…, n° 460100.

CE 2 décembre 2022, Société Paris Tennis, n°455033.

CE, 3 décembre 2010, Ville de Paris et Association Paris Jean Bouin, nos 338272 et 338527