Modification unilatérale d’une clause illicite d’un contrat sans saisir le juge

Le Conseil d’État a précisé les facultés offertes à la personne publique en présence d’une clause illicite divisible du reste du contrat, dans la continuité de sa jurisprudence Centre hospitalier d’Ajaccio, où il a admis la possibilité pour l’administration d’écarter de manière non rétroactive l’application d’une clause « nulle et non écrite » (CE, 13 juin 2022, Centre hospitalier d’Ajaccio, n° 453769).

Il entérine la possibilité pour la personne publique de modifier une clause illicite divisible du contrat, et à défaut de divisibilité, il lui est loisible de résilier unilatéralement le contrat sans saisine du juge.CE 8 mars 2023, n° 464619 (mentionné aux tables)

En l’espèce, le comité syndical du syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication (SIPPEREC) a modifié unilatéralement trois conventions concédant la distribution d’électricité à la société Enedis.

Le préfet de Paris a déféré au tribunal administratif de Paris les trois délibérations contestées et  a formé une demande de suspension, sur le fondement des articles L. 554-1 du code de justice administrative (CJA) et L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

Le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à ce déféré, confirmé par une ordonnance du juge des référés de la cour administrative d’appel de Paris.

Le Conseil d’État a annulé l’ordonnance du juge des référés de la cour administrative d’appel de Paris en rappelant sa jurisprudence constante relative à la modification unilatérale d’un contrat dans l’intérêt général. (CE, 11 mars 1910, Compagnie générale française des tramways, n° 16178 ; CE 27 octobre 2010, Syndicat intercommunal des transports publics de Cannes le Cannet Mandelieu-la-Napoule, n° 318617).

Il réaffirme sa jurisprudence Centre hospitalier d’Ajaccio, sur la possibilité pour l’administration d’écarter de manière non rétroactive l’application d’une clause « nulle et non écrite ».

Puis, précise que la personne publique est en droit, lorsqu’une clause divisible du contrat est affectée d’une irrégularité grave, de modifier unilatéralement celui-ci : « La personne publique peut [également], lorsqu’une clause du contrat est affectée d’une irrégularité tenant au caractère illicite de son contenu et à condition qu’elle soit divisible du reste du contrat, y apporter de manière unilatérale les modifications permettant de remédier à cette irrégularité ».

Enfin, il rappelle, faisant application de sa jurisprudence Distillerie de Magnac Laval,  que si « la clause n’est pas divisible du reste du contrat et que l’irrégularité qui entache le contrat est d’une gravité telle que, s'il était saisi, le juge du contrat pourrait en prononcer l'annulation ou la résiliation, la personne publique peut, sous réserve de l'exigence de loyauté des relations contractuelles, résilier unilatéralement le contrat sans qu'il soit besoin qu'elle saisisse au préalable le juge ».