Une cartographie des risques naturels est-elle un acte susceptible de recours ?

CE, 13 juillet 2023, n°455800, Tables Lebon

Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre (CE, Section, 12 juin 2020, n°418142, Lebon).

Il peut en aller ainsi, selon l’arrêt commenté, d’une cartographie des aléas concernant les risques naturels établie par le CEREMA.

Au cas d’espèce, le Conseil d’État confirme un arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui avait jugé que des propriétaires étaient recevables à demander l’annulation de la décision du préfet refusant de modifier le classement en aléa fort de leur parcelle par une nouvelle carte de l’aléa mouvements de terrain réalisée par le CEREMA, bien que cette carte d’aléa soit, en elle-même, dépourvue d’effets juridiques.

Le Conseil d’État retient notamment que cette nouvelle cartographie avait été publiée sur le site internet de la préfecture, accompagnée d’un commentaire selon lequel elle devait être prise en compte, dès lors qu’elle était communiquée à la collectivité, pour ce qui concerne la planification et les autorisations d’urbanisme.

En outre, le préfet avait indiqué à la commune que les nouvelles informations résultant de cette cartographie devaient être prises en compte pour l’application du droit des sols, dans les secteurs nouvellement cartographiés et lorsque le niveau d’aléa défini par cette cartographie était plus fort que celui déjà pris en compte. Il avait également précisé qu’il conviendrait, en ce cas, d’appliquer la partie du règlement actuel correspondant à la nouvelle classe d’aléa et, le cas échéant, de refuser le projet.

Une décision d’opposition à déclaration préalable fondée sur l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme et le zonage résultant de la carte établie par le CEREMA avait d’ailleurs été délivrée aux propriétaires.

Dès lors, c’est sans erreur que la Cour avait estimé que cette cartographie et les termes dont le préfet avait assorti le porter à connaissance qu’il en a fait étaient destinés à orienter de manière significative les autorités compétentes dans l’instruction des autorisations d’urbanisme.

En outre, compte tenu de la publicité qui lui avait été donnée et des commentaires accompagnant sa publication sur le site internet de la préfecture, la cartographie était, par elle-même, de nature à influer sur la valeur vénale des terrains concernés.

Cette cartographie ne s’inscrivait pas, par ailleurs, dans un processus de révision d’un plan de prévention des risques, et ne pouvait donc être regardée comme un document préparatoire à un tel plan.

En conséquence, la cartographie et le refus de la modifier étaient susceptibles d'emporter des effets notables sur la situation et les intérêts des propriétaires des parcelles classées en zone d'aléa fort et pouvaient, par suite, faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

On pourra comparer cette solution avec celle qui avait été retenue pour la cartographie des « zones de solidarité » suite à la tempête Xynthia (CE, 1er juin 2015, n° 367101, Tables Lebon). Le Conseil d’État avait alors estimé que ces documents de zonage, au stade de l'élaboration des politiques publiques auquel ils intervenaient et en raison de leur contenu, n'emportaient par eux-mêmes aucun effet juridique et étaient insusceptibles de recours.