Cristallisation et futur caractère définitif de l’annulation d’un jugement (article L.600-2 du code de l’urbanisme)

En application de l’article L.600-2 du code de l’urbanisme, les règles opposables à une demande d’occuper le sol sont cristallisées lorsque le refus qui lui a été initialement opposé a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle.

Il ne peut alors pas être opposé à cette demande des règles d’urbanisme postérieures à la date du refus annulé.

Deux conditions doivent néanmoins être réunies.

D’une part, la confirmation doit intervenir dans le délai de six mois suivant la notification du jugement annulant le refus au pétitionnaire.

D’autre part, ce jugement doit être devenu définitif.

Or, il peut arriver que le jugement ne devienne définitif qu’après que l’administration statue à nouveau sur la demande. Cette situation peut, par exemple, se produire lorsque le délai d’appel ou de pourvoi en cassation n’a pas encore expiré.

Dans un tel cas, l’administration peut en principe écarter les dispositions de l’article L.600-2 du code de l’urbanisme à la date à laquelle elle réexamine la demande.

Un second refus, fondé cette fois-ci sur de nouvelles règles d’urbanisme, est ainsi susceptible d’être opposé.

Cependant, selon la Cour administrative d’appel de Lyon, la cristallisation des règles d’urbanisme demeure applicable lorsque l’administration sait, à la date à laquelle elle statue à nouveau sur les demandes, qu’elle n’a pas l’intention de contester l’arrêt annulant le refus de délivrer l’autorisation d’urbanisme et qu’ainsi cette annulation va devenir définitive (CAA Lyon, 28 juin 2022, n°20LY02165).

Les circonstances de cette affaire sont typiques de la difficulté qu’on peut rencontrer dans l’application de l’article L.600-2 du code de l’urbanisme.

Dans ce dossier, deux déclarations préalables avaient fait l’objet d’une opposition le 19 janvier 2015 puis le 17 mars 2015.

Par un arrêt du 20 décembre 2018, la Cour avait annulé ces deux arrêtés d’opposition.  Faute de pourvoi en cassation, cet arrêt allait devenir définitif.

Mais en l’absence de confirmation de ses demandes par le pétitionnaire, l’administration avait alors opposé aux deux déclarations préalables des sursis à statuer le 24 janvier 2019.

Puis, après la confirmation de ses demandes par le pétitionnaire sur le fondement de l’article L.600-2 du code de l’urbanisme, l’administration avait à nouveau opposé aux deux déclarations préalables des sursis à statuer le 15 février 2019, c’est-à-dire avant l’expiration du délai de recours en cassation contre l’arrêt de la Cour en date du 20 décembre 2018 qui n’était donc pas, à cette date, définitif.

Ces sursis à statuer se fondaient tous sur des circonstances de droit nouvelles qui n’existaient pas à la date des premières oppositions à déclaration préalable (intervention d’un nouveau PLU).

Le pétitionnaire a alors sollicité l’annulation de ces sursis à statuer du 24 janvier et du 15 février 2019.

Néanmoins, le Tribunal administratif a rejeté ces recours, estimant qu’il n’y avait plus lieu à statuer sur les décisions du 24 janvier 2019 auxquelles se seraient substituées les décisions du 15 février 2019 et que ces dernières n’étaient pas illégales.

Saisie en appel de ce jugement, la Cour l’annule.

En premier lieu, elle juge que les décisions du 15 février 2019 n’ont pas eu pour effet de se substituer à celles du 24 janvier 2019.

Cependant, en l’absence de confirmation par le pétitionnaire de ses demandes, la Cour estime que les sursis à statuer du 24 janvier 2019 n’étaient pas illégaux, quand bien même ils se fondaient sur des circonstances de droit nouvelles.

L’une des conditions de l’article L.600-2 du code de l’urbanisme n’était ainsi pas réunie. Il ne pouvait y avoir cristallisation.

En second lieu, elle juge en revanche que les décisions du 15 février 2019, intervenues cette fois-ci après la confirmation par le pétitionnaire de ses demandes, étaient illégales.

Selon la Cour, l’administration aurait dû faire application de l’article L.600-2, alors même que l’arrêt du 20 décembre 2018 annulant les premières oppositions à déclaration préalable n’était pas encore définitif.

Pour statuer ainsi, la Cour retient que l’administration ne pouvait pas ignorer, à la date à laquelle elle a statué, qu’elle n’entendait pas former un pourvoi en cassation contre l’arrêt du 20 décembre 2018. Il est vrai que l’expiration du délai de pourvoi était très rapprochée :

« Pour opposer aux demandes des dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement aux dates d'intervention des arrêtés annulés, le maire de Saint-Didier-au-Mont-d'Or a estimé qu'à la date à laquelle il a pris les décisions en litige, intervenues deux jours après la réception des demandes, l'annulation des arrêtés des 19 janvier 2015 et 17 mars 2015 n'était pas devenue définitive, le délai de pourvoi contre l'arrêt de la cour rendu le 20 décembre 2018 n'étant pas expiré. Toutefois, il ne pouvait s'opposer à l'application des dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme qu'en faisant valoir soit que la demande de confirmation était tardive, ce qui n'était pas le cas, soit qu'il entendait faire un recours contre l'annulation des précédents refus, qui ne serait ainsi pas devenue définitive. Ainsi, et alors qu'il ne pouvait ignorer, à la date à laquelle il a pris ses décisions, que la commune n'entendait pas former un pourvoi contre l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel, le maire de Saint-Didier-au-Mont-d'Or n'a pu, sans entacher ses décisions d'une erreur de droit, considérer que les conditions d'application de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme n'étaient pas remplies ».

En conséquence, les décisions de sursis à statuer du 15 février 2019 sont annulés et la Cour enjoint à l’administration de délivrer deux décisions de non-opposition à déclaration préalable.