Obligation de sécurité versus obligation de réintégration du salarié
Une salariée protégée avait été licenciée pour avoir commis des faits de harcèlement moral sur ses subordonnés. En raison d’un vice de forme (défaut de motivation), l’autorisation de licenciement avait été annulée, ce qui aurait dû contraindre l’entreprise à la réintégrer. La société avait cependant procédé différemment : constatant le refus d’une partie des salariés de travailler avec l’intéressée au motif du harcèlement subi, et leur exercice du droit de retrait, elle avait prononcé un nouveau licenciement pour les mêmes motifs.
La salariée qui avait dans l’intervalle perdu sa protection, contestait le second licenciement devant la juridiction prud’homale en soutenant notamment que le licenciement ne pouvait être prononcé alors que la société s’était abstenue de son obligation de réintégrer.
La question était donc de savoir si l’employeur pouvait légitimement arguer d’une impossibilité de réintégrer : en présence d’un harcèlement moral caractérisé, l’employeur pouvait il s’opposer à la réintégration de cette salariée ? Dit autrement, l’obligation de sécurité de l’employeur envers ses salariés prévaut-elle sur son obligation de réintégration du salarié dont le licenciement a été annulé ?
Par arrêt du 1er décembre 2021, la Cour de cassation répond par l’affirmative : l’obligation de sécurité de l’employeur caractérise ici l’impossibilité de réintégration (Cass. Soc., 1er décembre 2021, n° 19-25.715, publié).
Si la chambre sociale semble étendre ainsi les exceptions possibles à l’obligation de réintégration, il faut garder à l’esprit qu’en l’espèce, l’atteinte à la sécurité était dûment caractérisée par le harcèlement avéré, par l’obtention d’une première autorisation administrative de licencier puis par l’exercice du droit de retrait des salariés concernés.
A l’inverse, la Cour de cassation avait précédemment jugé (Soc., 24 juin 2014, n°12-24623, publié) que le refus des salariés ne constituait pas une impossibilité absolue de réintégrer, dans une affaire concernant un salarié protégé dont l’autorisation de licencier n’avait jamais été accordée.
Les circonstances d’espèce doivent donc être examinées avec attention : le département droit social est à votre disposition.