Harcèlement moral et enquête interne : mode d’emploi ?

L’enquête interne effectuée à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral peut être diligentée sans que le salarié incriminé ne soit entendu, qu’il n’ait accès au dossier ou qu’il soit confronté à ses collègues.

C’est la solution retenue par la Cour de cassation dans un arrêt publié du 29 juin 2022  (n°20-22220) qui  juge que les principes des droits de la défense et du contradictoire ne l’imposent pas dès lors que « la décision que l'employeur peut être amené à prendre ultérieurement ou les éléments dont il dispose pour la fonder peuvent, le cas échéant, être ultérieurement discutés devant les juridictions de jugement ».

En l’occurrence, la salariée accusée avait été informée a posteriori de l’enquête diligentée de sorte qu’elle n’avait pas eu accès au dossier et n’avait pas été entendue. Une fois informée, elle n’avait toutefois pas sollicité d’auditions supplémentaires.

Cette solution vient confirmer un arrêt publié au bulletin en date du 17 mars 2021 (n°18-25597) : dans cet espèce, la Cour de cassation avait jugé que l’enquête interne réalisée suite à la dénonciation de faits de harcèlement moral n’était pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4 du Code du travail et ne constituait donc pas une preuve déloyale comme issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié.

L’employeur n’avait dès lors pas d’obligation d’informer le salarié concerné ni de l’entendre.

La Chambre sociale poursuit ainsi l’élaboration des règles applicables aux enquêtes internes.

Par un arrêt inédit du   1e juin 2022, rendu au visa de l’article 455 du Code de procédure civile, elle a également jugé que l’enquête interne ne pouvait pas être écartée aux seuls motifs qu’elle avait été menée par la DRH et non pas par le  CHSCT, et que  les critères de sélection des témoins n’étaient pas connus. 

L’enquête avait été confiée à la direction des ressources humaines et sur les 20 personnes du services, seules 8 avait été entendues : peu importe décide la Cour de cassation, les juges du fond auraient dû examiner le contenu de l’enquête interne comme élément de preuve avant de se prononcer sur le bien-fondé du licenciement. 

Si la jurisprudence de la Cour de cassation semble désormais offrir une grande latitude à l’employeur dans les modalités de l’enquête interne diligentée suite à la dénonciation de faits de harcèlement moral, il n’en demeure pas moins que les juges du fond restent souverains dans leur pouvoir d’appréciation des éléments de preuve.

Ainsi, une enquête diligentée de façon concertée avec les représentants du personnel et suivant une procédure objective définie en amont, aura de meilleures chances d’emporter la conviction.

Le département droit social est à votre disposition pour tout complément d’information.

Soc., 29 juin 2022, n°20-22220, publié