Astreinte et temps de déplacement : la notion de « travail effectif » à la lumière du droit européen

Par deux arrêts récents, la Cour de Cassation est venue préciser la notion de « travail effectif » s’agissant du temps d’astreinte (1ère affaire Soc., 26 octobre 2022, n°21-14.178) et du temps de déplacement (2ème affaire, Soc., 23 novembre 2022 n°20-21.924), à la lumière de la directive 2003/88 et deux arrêts rendu par la Cour de justice de l’UE le 9 mars 2021 (C-344/19 et C 580/19).

Dans ces deux affaires, la Cour de Cassation s’est livrée à une interprétation in concreto des sujétions imposées au salarié pour requalifier la période, qualifiée d’astreinte dans la première affaire et de temps de déplacement dans la seconde, en temps de travail effectif.

Dans la première espèce (arrêt du 26 octobre 2022), le salarié dépanneur autoroutier considérait qu’il n’était pas libre de vaquer à ses occupations au cours de son astreinte compte tenu notamment du court délai dont il disposait pour intervenir sur le lieu d’intervention de son astreinte.

La Cour confirmait qu’il appartenait aux juges du fond de vérifier : « Si le salarié avait été soumis, au cours de ses périodes d’astreinte, à des contraintes d’une intensité telle qu’elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n’étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles ». La Cour reprenait ainsi à son compte la notion « d’intensité de la contrainte » énoncée en 2021 par le CJUE.

La Haute juridiction poursuivait en ce sens, le 23 novembre suivant, en requalifiant le temps de déplacement d’un salarié itinérant en temps de travail effectif après avoir constaté que le salarié, pendant ces déplacements, exerçait en réalité ses fonctions commerciales habituelles à l’aide de son téléphone professionnel en kit main libre (Soc., 23 novembre 2022).

La Cour revient ainsi sur sa jurisprudence antérieure et se conforme à la solution rendue par la CJUE dans une espèce similaire le 10 septembre 2015 (C266/14)  

Si ces deux arrêts sont rendus à la lumière de la directive 2003/88/CE, ils constituent en premier lieu une stricte application de l’article L 3321-1 du Code du travail au terme duquel « La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ».

Les entreprises sont ainsi invitées à vérifier attentivement la réalité des sujétions imposées pendant les temps d’astreinte et les temps de déplacement.

Le département droit social est à votre disposition pour tout complément d’information.