FONCIER

Personne publique et location d’un bien en-dessous de sa valeur locative

Par un arrêt rendu le 28 septembre 2021, le Conseil d’État fait application du principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d’intérêt privé sauf si la cession est justifiée par des motifs d’intérêt général et comporte des contreparties suffisantes, à l’hypothèse où la personne publique loue un bien à une personne poursuivant des fins d’intérêt privé (voir en ce sens : Conseil d’État, 3 novembre 1997, n° 169473).

En l’espèce, le président d’un centre communal d’action sociale (CCAS) avait pris une décision tendant à la signature d’un contrat de location de locaux professionnels avec une personne exerçant la profession de masseur-kinésithérapeute.

D’autres masseurs-kinésithérapeutes établis dans la même commune avaient demandé l’annulation de ladite décision.

Celle-ci avait été annulée par le Tribunal administratif de Bordeaux, ce que la Cour administrative d’appel de Bordeaux confirma lors de l’appel contre le jugement.

C’est dans ce contexte que le Conseil d’État a été saisi de l’affaire.

Transposant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder, sauf exception, un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d’intérêt privé, la juridiction suprême souligne qu’ « une personne publique ne peut légalement louer un bien à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé pour un loyer inférieur à la valeur locative de ce bien, sauf si cette location est justifiée par des motifs d'intérêt général et comporte des contreparties suffisantes ».

Au cas d’espèce, le Conseil d’État indique dans un premier temps que la Cour a pu sans commettre d’erreur, ni dénaturé les pièces du dossier, ni insuffisamment motivé son arrêt, relever que les conditions du bail en cause étaient en l’occurrence plus favorables que celles du marché eu égard au loyer moyen au mètre carré versé par d'autres professionnels de santé pour des locaux situés dans la même commune et des travaux de rénovation du local en litige financés par le CCAS.

Partant du constat que le bien a donc été loué à un loyer inférieur à sa valeur locative, la juridiction suprême en vient à apprécier dans un second temps si un tel écart est en l’espèce justifié.

A cet égard, le Conseil d’État indique que la Cour a pu sans erreur de droit ni de qualification juridique jugé que la location du bien pour un loyer inférieur à sa valeur locative n'était pas justifiée par un motif d'intérêt général dans la mesure où le bail en litige avait été conclu en vue de favoriser l'installation d'un masseur-kinésithérapeute dans ladite commune alors même que cette dernière ne fait pas partie des zones caractérisées par une offre insuffisante de soins pour cette profession.

Au surplus, il écarte comme inopérant, compte-tenu de son caractère surabondant, le moyen dirigé contre le motif par lequel la Cour a ajouté que la location ne comportait pas de contreparties suffisantes.

Par suite, le Conseil d’Etat rejette le pourvoi formé par le centre communal d’action sociale.

Conseil d’État, 28 septembre 2021, n° 431625, Tables Lebon