Pas de frais de dépollution pour le bailleur
L’arrêt de la Cour de Cassation du 22 juin 2022 a tranché : le bailleur n’a pas à prendre en charge les frais de dépollution en cas de non renouvellement du bail commercial.
Dans cette affaire, un Office Public de l’Habitat donne en location des locaux commerciaux à une société, TOTAL MARKETING SERVICES, pour y exploiter une station-service. Au terme du bail, le bailleur délivre un congé avec refus de renouvellement et offre au preneur le paiement d’une indemnité d’éviction.
Les parties s’opposent notamment sur le montant de cette indemnité. Le locataire soutient que le bailleur doit prendre à sa charge les frais de dépollution au titre des indemnités accessoires car la remise en état du site et le paiement de ces frais sont directement liés à l’éviction, imposant un arrêt définitif de son activité. Le bailleur, quant à lui soutient que ces frais doivent, dans une perspective environnementale, être à la charge du locataire. Le bailleur se fonde d’une part sur principe « pollueur-payeur » imposant que les frais de dépollution doivent être supportés par le pollueur (C.envir. art. L.110-1, II-3°) et d’autre part sur les dispositions de l’article L.512-12-1 du Code de l’environnement indiquant qu’il appartient au dernier exploitant de remettre le site en état et à ses frais lors de l’arrêt définitif d’une installation classée.
Dans un arrêt en date du 8 juillet 2020 largement commenté, la cour d’appel de Paris donne raison au locataire et inclut dans l’indemnité d’éviction, au titre des indemnités accessoires, les frais de diagnostics, d’études et de travaux de dépollution et éventuellement de retrait des réservoirs.
La cour d’appel fonde sa décision sur l’article L.145-14 du Code de commerce et rappelle que l’indemnité d’éviction doit couvrir l’entier préjudice subi par le locataire du fait du défaut de renouvellement du bail commercial. Elle retient l’argumentaire du locataire et estime que les frais de dépollution sont directement liés à l’éviction avec un arrêt total de l’exploitation et qu’ils devaient en conséquence être indemnisés au titre des indemnité accessoires.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 22 juin 2022, censure l’arrêt d’appel au visa de l’article L.512-12-1 du Code de l’environnement, de l’article 18 de l’arrêté du 22 juin 1998 et de l’article 2.10 de l’annexe I de l’arrêté du 15 avril 2010. Elle rappelle les contours de l’obligation de dépollution, qui impose à l’exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement, de prendre toutes les dispositions utiles pour la mise en sécurité du site, dont celles relatives à la neutralisation des réservoirs de carburant et de leurs équipements annexes.
Ainsi, l’obligation particulière de dépollution du site d’une installation classée incombe au dernier exploitant, qui en seul tenu, indépendamment de tout rapport de droit privé.
La Cour de cassation casse donc et annule l’arrêt de cour d’appel de Paris et donne raison au bailleur.
Avec cet arrêt publié au bulletin, la Cour de cassation vient entériner le principe « pollueur-payeur ».
En effet, lorsqu’une installation classée soumise à déclaration administrative est mise à l’arrêt définitif, son exploitant doit placer le site dans un état qu’il ne puisse pas porter atteinte aux intérêts généraux, tels que la santé, la sécurité, l’environnement (C. envir. art. L. 511-1 et L.512-12-1).
Bien que le bailleur soit soumis à une obligation d’indemniser le preneur dès lors qu’il est à l’initiative du congé (l’indemnité d’éviction), les frais liés à l’obligation légale de sécurisation du site d’une installation classée ne sont pas considérés comme des frais directement liés à l’éviction et par conséquent ne sont pas considérés comme des frais accessoires (notamment les frais de déménagement et de réinstallation) compris dans l’indemnité d’éviction.
L’obligation de sécurisation du site d’une installation classée et les frais qui en découlent s’appliquent au dernier exploitant, que l’arrêt de l’activité résulte de sa volonté ou d’une éviction de son bailleur.
Il a d’ores et déjà été jugé que l’obligation de remise en état d’une installation classée est à la charge du locataire, dernier exploitant (Cass. 3ème civ. 10-04-2002 n°00-17.874 ; Cass. 3ème civ. 11-09-2013 n°12-15.425) et même si le site était déjà pollué lors de la prise de possession des lieux (Cass. 3ème civ. 02-04-2008 n°07-12.155 et n°07-13.158).
Il convient de noter que des cours d’appel ont pu retenir qu’une clause dans le bail mettant à la charge du bailleur les frais de dépollution du site ne contredisait pas la législation sur les installations classées. Ainsi, si une telle situation venait à se présenter, il s’agirait d’une clause supplémentaire à négocier avec le bailleur.