Indépendance et garantie de pluralisme : l’ARCOM doit veiller au-delà des apparences
L’association Reporters sans frontières a saisi l’ARCOM (ex-CSA) en 2021 pour que la chaine CNEWS soit mise en demeure de respecter en tant que service d’informations ses obligations d’honnêteté, de pluralisme et d’indépendance.
Parmi les différents griefs formulés par l’association à l’égard de la chaine, figuraient l’orientation de ses programmes et la façon orientée de traiter certains sujets, mais également une dépendance aux orientations idéologiques de son actionnaire principal et une absence de respect du pluralisme politique.
L’ARCOM a refusé de faire droit à ces demandes, en opposant pour l’essentiel que les faits n’étaient pas avérés ou sanctionnables.
Le Conseil d’État, par une décision du 13 février 2024, qui sera publiée au Recueil, censure partiellement ce refus et prend une position très nette en faveur d’un contrôle plus large de l’organisation des chaines d’information et de leur capacité à faire respecter les l’impartialité et l’honnêteté de l’information.
A ce titre, la Haute juridiction considère tout d’abord que le pouvoir de contrôle et de sanction de l’ARCOM n’est pas contraire à l’article 10 de la CESDH garantissant la liberté d’expression : rappelant la situation particulière de l’ARCOM, qui doit contrôler l’accès à une information impartiale et plurielle, de tels pouvoirs sont suffisamment encadrés et ne heurtent pas les garanties conventionnelles.
S’agissant de l’indépendance de l’information, l’ARCOM avait considéré qu’elle ne pouvait caractériser un manquement en l’absence de constat d’une situation ou élément concret. Cette position est censurée par le Conseil d’État qui rappelle que l’ARCOM dispose d’un pouvoir de contrôle « au regard de l'ensemble de ses conditions de fonctionnement et des caractéristiques de sa programmation » : il lui appartient donc d’apprécier si au travers de son fonctionnement global et du comportement de ses actionnaires, la chaîne aurait subi des influences altérant son indépendance.
Sur le plan du pluralisme, l’ARCOM avait là encore adopté une position prudente en estimant qu’elle ne pouvait contrôler que la représentation équilibrée au travers des temps d’antenne des personnalités politiques. Ici encore, le Conseil d’État considère que l’ARCOM méconnaît l’étendue de ses pouvoirs et revient à la source de la loi du 1er septembre 1986, dont l’article 1er vise le respect du « caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion ». Si celui-ci prend un tour particulier avec le débat politique, le contrôle de l’ARCOM ne saurait éluder le champ plus large de la pluralité des opinions. Comme le relève le Rapporteur public, M. Roussel, il ne s’agirait que de relever les « déséquilibres durables et manifestes ».
En définitive, par cet arrêt, le Conseil d’État, bien loin de désavouer un contrôle étroit de l’ARCOM, pose les bases d’une plus forte légitimité de cette autorité indépendante, en lui attribuant un rôle plus large du comportement des chaines d’information par rapport aux objectifs principaux de la loi.