Fixation des redevances du réseau ferré : la bataille continue

Suite et certainement pas fin de la bataille (financière) du rail que livrent certaines régions et Ile-de-France Mobilités face à SNCF-Réseau.

Depuis l’instauration du système ferroviaire européen et selon la méthode européenne d’ouverture à la concurrence des monopoles historiques, les États doivent dissocier le gestionnaire de l’infrastructure (unique) des exploitants du service (multiples, au gré de l’ouverture à la concurrence).

Il revient à SNCF-Réseau d’endosser ce rôle de gestionnaire d’infrastructure et d’assurer le développement et l’entretien du réseau national, en vue de son utilisation optimale par les opérateurs passagers et fret. En contrepartie, SNCF-Réseau perçoit, parmi d’autres ressources, des redevances des opérateurs.

La directive 2012/34/UE a établi le principe d’une tarification au coût marginal, dite « coût directement imputable (CDI) », qui doit identifier ce que coûte l’utilisation du réseau au moment ou un train l’utilise. Pour couvrir en partie les coûts fixes, certaines redevances peuvent être instituées sur des segments de réseau relevant des services conventionnés (redevance de marché).

C’est précisément ces majorations, qui peuvent dépendre de différents paramètres liés à l’attractivité des segments et à la condition qu’elles soient raisonnablement supportables par les opérateurs, qui sont au cœur du litige. En effet, les régions et IDFM en finançant au moins un part au travers des contrats d’exploitation ont estimé ne pas y voir très clair sur les modalités de fixation des niveaux de ces redevances et ont entamés plusieurs contentieux.

Le premier acte a donné lieu à un arrêt du Conseil d’État du 29 janvier 2024, jugeant irrecevable le recours contre l’avis conforme donné par l’ART sur le projet de tarification, au motif qu’il s’agit d’une mesure préparatoire.

Les requérantes avaient agi à l’encontre du Document de référence du réseau (DRR), qui contient notamment les règles tarifaires, publié le 9 décembre 2022.

L’un des reproches concernait la méconnaissance du principe de transparence exigé par l’article L 2111-9 et 2111-25 du code des transports. Le Conseil d’État, par l’arrêt du 5 mars 2024, suivant les conclusions du Mme Pradines, va effectivement annuler les dispositions tarifaires sur ce fondement, en les appliquant à deux niveaux :

D’une part, la fixation des tarifs n’est pas intervenue dans des conditions de transparence satisfaisante puisque leur élaboration, n’a pas permis aux personnes consultées de disposer d’informations claires et fiables sur les coûts complets, leur fixation, leur taux de couverture et donc sur le niveau des redevances.

D’autre part, même si cette version des dispositions tarifaires résultait d’échanges plus anciens et d’un précédent avis négatif de l’ART, il reste que leur adoption dès le lendemain de la date limite de formulation d’observations par les régions, démontre une absence de prise en compte desdites observations et donc un nouveau manquement à la transparence dans les conditions de fixation des tarifs.

Le Conseil d’État a différé les effets de l’annulation au 1er octobre prochain, le temps donc pour SNCF-Réseau de remettre l’ouvrage sur les tables régionales.

Si cette concertation se déroule plus clairement, pour na pas dire loyalement, il n’est pas sûr qu’il en sorte beaucoup d’adaptation : sur le fond, les critiques n’ont pas emporté la conviction de la Rapporteure publique, mais il faut certes tenir compte de la critique majeure de l’absence de transparence.

Nul doute qu’un prochain round judiciaire se penchera plus avant sur le choix de la structure binomiale de tarification (redevance fixe + CDI et redevance de marché), l’avenir dira si SNCF-Réseau doit simplement faire preuve de plus de pédagogie dans une matière complexe, ou s’il s’agit d’un problème plus inquiétant d’identification et de répartition des coûts.