Viabilité du projet de reprise d’une société : pas de vérification par le cédant

Dans cet arrêt du 1er mars 2023, Cass. com 1-3-2023 n°21-14.787 FS-B, X c/ Sté Volkswagen Aktiengesellschaft, la Cour de Cassation rendu une décision inédite.

Les salariés d’une filiale qui ont été licenciés à la suite de la mise en liquidation judiciaire de cette dernière mettent en cause la responsabilité de la société mère ayant cédé la totalité des actions de la filiale pour obtenir réparation de la perte de leur emploi et réclamer des dommages et intérêts.

Le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire de la filiale sont intervenus un mois seulement après la cession, puis la date de cessation des paiements a été fixée à une date antérieure à celle de la cession. Il s’agissait d’autant d’arguments pour les salariés qui soutenaient que la société mère avait commis une faute en cédant la filiale en difficulté sans vérifier la viabilité du projet du repreneur.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 1er mars 2023, refuse toutefois d’aller dans le sens des salariés et indique qu’il ne résulte d’aucun texte, ni d’aucun principe qu’une société mère a, lorsqu’elle cède les parts qu’elle détient dans le capital social d’une filiale en état de cessation des paiements, l’obligation de s’assurer, avant la cession, que l’acheteur dispose d’un projet de reprise garantissant la viabilité économique et financière de la filiale cédée.

Il convient de noter que la motivation apportée par la Cour de cassation est surprenante.

Rappelons que la filiale était en cessation des paiements, autrement dit qu’elle ne pouvait plus faire face à son passif exigible avec son actif disponible, avant la cession, obligeant ainsi son dirigeant à demander le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire ; ce qui a été fait après la cession.

Rien n’interdit de céder une société en difficulté et le cessionnaire ne peut pas reprocher cet état au cédant s’il en avait connaissance avant d’acquérir la société en difficulté.

Toujours est-il, qu’en l’espèce ce n’est pas la responsabilité du cédant envers le cessionnaire qui fait débat, mais la responsabilité de la société mère (la cédante) à l’égard des salariés de la société cédée et le bien fondé de cette action en responsabilité.

Quelques années auparavant, la Cour de cassation avait estimé que l’action en responsabilité engagée par les salariés contre une société mère ayant cédé une branche d’activité d’une filiale à une société qui a été mise en liquidation judiciaires deux ans après, était recevable dès lors que les salariés invoquaient un préjudice différent de celui subi par les autres créanciers, notamment celui résultant de la perte de leur emploi (Cass. soc. 14-11-2007 n°05-21.239). Dans cet arrêt était en cause la recevabilité de l’action et non son bien-fondé.

Tandis que dans l’arrêt commenté, c’est bien la question du bien-fondé de l’action qui est tranché. Et la Cour de cassation vient alors préciser, que la responsabilité de la société mère ne peut être recherchée sur le fondement de l’absence de vérification de viabilité du projet de reprise de l’acquéreur.

Autrement-dit l’argument avancé par les salariés, à savoir que la société mère à commis une faute en ne vérifiant pas si le projet de reprise était viable, ne permet pas d’engager la responsabilité de la société mère – cédante.

Pour autant, cela ne signifie pas que la responsabilité de la société mère ne pourra jamais être mise en cause par les salariés. Elle pourrait l’être l’être au titre de sa gestion dans la filiale, si la société mère a participé aux difficultés de sa filiale et en conséquence à la disparition des emplois (exemple : Cass. soc. 24-5-2018 n°16-22.881).

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