Opposabilité des CGV entre professionnels : l’opt-in non obligatoire

Dans un arrêt du 24 novembre 2022, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a été amenée à se prononcer sur l’opposabilité des conditions générales d’achat (CGA) entre professionnels.

Plus particulièrement, la question préjudicielle portait sur le point de savoir « si, dans l’affaire au principal, les conditions de preuve de la réalité du consentement de Tilman sur la clause attributive de juridiction sont satisfaites, étant donné que cette clause était énoncée dans les conditions générales d’achat de produits d’Unilever, et non dans le contrat en cause au principal, et que ces conditions n’étaient pas directement annexées audit contrat ».

La CJUE a considéré comme valable « une clause attributive de contenue dans des conditions générales auxquelles le contrat conclu par écrit renvoie par la mention du lien hypertexte d’un site Internet dont l’accès permet de prendre connaissance desdites conditions générales, de les télécharger et de les imprimer, sans que la partie à laquelle cette clause est opposée ait été invitée à accepter ces conditions générales en cochant une case sur ledit site Internet ».

Pour ce faire, la CJUE a relevé les éléments suivants :

  • « les informations sont accessibles au moyen d’un écran, le renvoi, dans le contrat écrit, à des conditions générales par la mention du lien hypertexte d’un site Internet dont l’accès permet, en principe, de prendre connaissance de ces conditions générales, pour peu que ce lien hypertexte fonctionne et puisse être actionné par une partie appliquant une diligence normale,
  • la circonstance qu’il n’existe, sur la page du site Internet en cause, aucune case susceptible d’être cochée aux fins d’exprimer l’acceptation de ces conditions générales ou que la page contenant ces conditions ne s’ouvre pas automatiquement lors de l’accès audit site Internet n’est pas en mesure de remettre en cause une telle conclusion  dès lors que l’accès auxdites conditions générales est possible avant la signature du contrat et que l’acceptation de ces conditions intervient moyennant signature par la partie contractante concernée,
  • la simple possibilité de sauvegarder et d’imprimer les conditions générales avant la conclusion du contrat suffit pour remplir les exigences de forme, il importe peu de savoir si les informations transmises ont été « fournies » par l’entreprise concernée ou « reçues » par le contractant.

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Même si cet arrêt porte sur le point précis des clauses attributives de juridiction (lesquelles sont encadrées par le Règlement Bruxelles I et la Convention Lugano II), il n’est pas interdit de penser que le raisonnement de la CJUE peut être étendu à toutes les clauses visées dans des CGA, et également, dans des conditions générales de vente (CGV).

Pour rappel, en droit français, les dispositions suivantes sont applicables en matière de CGV :

  • l’article L.441-1 du Code de commerce prévoit une obligation de communication des conditions générales de vente à tout cocontractant qui en fait la demande, et ce par tout moyen constituant un support durable ;
  • l’article 1119 du Code civil pose le principe général selon lequel les conditions générales invoquées par une partie n’ont d’effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et qu’elle les a acceptées.

En matière de consentement aux CGV, la jurisprudence s’est révélée aléatoire, à savoir notamment :

  • la Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt 3 mai 2016 (CA Versailles 3-5-2016 n° 15/02478), a considéré que les CGV étaient inopposables compte tenu du fait que « que ces conditions générales, qui ne sont ni signées, ni paraphées par la société ITS INTEGRA, ne sont évoquées que de manière tout à fait accessoire dans le contrat, qui ne précise à aucun moment qu'elles lui ont été remises, qu'elle en a pris connaissance, qu'elle les a acceptées et qu'elles font ainsi partie intégrante de la relation contractuelle » ;
  • la Cour d’Appel de Paris, dans un arrêt du 1er février 2019 (CA Paris, pôle 1 - ch. 8, 1er févr. 2019, n° 18/04526) a considéré que « il n’existe pas de contestation sérieuse sur l’opposabilité des conditions générales de vente figurant dans les devis et factures adressés par la société Y aux sociétés X ».

Au regard de l’arrêt de la CJUE, la signature d’un contrat (électronique) sans « opt’in » des CGV mais avec des références aux CGV ainsi que la possibilité de les consulter, imprimer, ou télécharger via un lien hypertexte semble satisfaire aux exigences légales européennes, a minima s’agissant des clauses attributives de compétence.

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