L’illustration d’un manquement à l’obligation d’information due par le cédant d’actions 

L’acquéreur des titres d’un groupe de société reproche au cédant d’avoir failli à son obligation contractuelle d’information, car il ne lui a pas fait part des modifications comptables réalisées au cours de l’année de la cession (réintégration à hauteur de 1080.000 € des provisions au titres des remises et participations des années 2006, 2007 et 2008, affectation de la CET à la holding au lieu d’une répartition entre les société du groupe, obtention par la holding d’un dégrèvement de 200.000€ affecté au résultat courant de 2016).  

Pour l’acquéreur, ces modifications ont impacté l’EBITDA du groupe et donc le prix d’acquisition, dans la mesure où il a été arrêté sur la base de cet indice. L’acquéreur considère que s’il avait été correctement informé, il aurait donné un prix plus bas.  

Le cédant soutient que le prix de cession a été évalué au regard des comptes 2015 (et non 2016) et qu’il n’avait pas connaissance d’un mode de calcul du prix fondé sur un EBITDA.  

La cour d’appel de Paris a jugé qu’en informant pas l’acquéreur des changements effectués dans la comptabilité du groupe, alors qu’ils étaient déterminant pour lui, le cédant a engagé sa responsabilité contractuelle.  

La cour d’appel précise, que bien que l’acte de cession ne décrive pas le mode de calcul du prix d’acquisition, celui-ci est prévu dans la lettre d’intention, qui indique que la valorisation proposée (310 millions d’euros) s’appuie notamment sur un EBITDA normatif consolidé à fin 2016 de 23,6 millions. L’acquéreur a en outre précisé dans sa proposition d’achat que la valorisation constitue un prix minimum garanti, sous réserve qu’il puisse valider les éléments financiers historique et l’EBITDA normatif consolidé.  

Un mois après avoir adressé la lettre d’intention, l’acquéreur confirme la valeur d’entreprise minimale de 310 millions d’euros dans une offre ferme définitive. Il en profite également pour réitérer la formule de calcul basée sur l’EBITDA normatif consolidé à fin 2016.  

En conséquence, il résulte de ces éléments que le cédant était informé de l’importance pour l’acquéreur de l’EBITDA 2016 et donc de la nécessité de disposer de l’ensemble des éléments lui permettant d’apprécier l’EBTIDA devant être réalisé au terme de l’année au cours de laquelle la cession a lieu. 

Le manquement d’information au regard des changements comptables intervenus, alors qu’il s’agissait d’une information déterminante pour l’acquéreur, entraine le cédant à verser à ce dernier des dommages et intérêts.  

Au cas d’espèce, l’acquéreur demandait un dédommagement à hauteur de 34 millions d’euros (représentant 11% du prix). Mais la cour d’appel rappelle que le préjudice né d’un défaut d’information ne peut consister qu’en la perte d’une chance pour l’acquéreur d’acheter à un prix plus bas et fixe en conséquence le montant des dommages et intérêts à 616.000 euros.  

La cour d’appel a estimé que la chance pour l’acquéreur de faire baisser le prix était très réduite, compte tenu de sa volonté ancienne et réitérées de racheter le groupe et de sa proposition ferme d’une valorisation minimale.  

CA Paris., 14.09.2023 n°21/22491, SAS Havea group c/ SARL Azimut 

Nous pensons également que bien que le défaut d’information de la part du cédant doive être sanctionné, il faut tenir compte dans l’évaluation de sa responsabilité et du montant des dommages et intérêts, du fait que l’acquéreur n’ait pas demandé au cédant des compléments d’information sur les comptes 2016 lors de la phase due diligence. 

A notre avis il appartient à l’acquéreur d’être vigilant et diligent durant la phase d’audit, notamment sur les sujets qu’il considère importants et déterminants pour le calcul du prix d’acquisition qu’il propose au cédant.  

L’équipe du pôle Croissance Externe/Corporate se tient à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.