Les clauses d’exclusions insérées dans les statuts sont valides

Pour rappel, la Cour de cassation dans un arrêt du 12 octobre 2022, a jugé que les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) posées par un associé exclu étaient assez sérieuses pour les transmettre au Conseil constitutionnel.

Dans cette affaire, un salarié associé a démissionné au titre de son contrat de travail. La société employeuse, une SAS, a alors activé la clause statutaire d’exclusion prévoyant que la rupture du contrat de travail permettait au président de la société de convoquer une assemblée générale extraordinaire pour se prononcer sur l’exclusion de l’associé et le rachat forcé de ses actions.

Juste avant l’assemblée générale extraordinaire décidant de l’exclusion de l’associé salarié démissionnaire, il avait été décidé de modifier la clause statutaire d’exclusion pour prévoir que « l’associé dont l’exclusion est envisagée peut prendre prend part au vote de la décision d’exclusion ».

L’associé exclu a assigné la société en nullité (i) de cette modification statutaire, (ii) de la décision l’excluant et (iii) de la cession de ses actions.

Il a, en outre et à cette occasion, soulevé quatre QPC portant sur la remise en cause de la validité des articles L.227-16 et L.227-19 du Code de commerce par rapport au droit constitutionnel de la propriété.

Etant précisé que l’article L.227-16 du Code de commerce dispose que les statuts d’une SAS peuvent prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions dans les conditions qu’ils déterminent. L’article L.227-19 du Code de commerce dans sa version modifiée suite à la loi 2019-744 du 19 juillet 2019, dite loi SOILIHI, prévoit que la clause d’exclusion ne peut être adoptée ou modifiée que par une décision collective prise dans les conditions et formes prévues par les statuts.

La Cour de cassation a décidé de transmettre les QPC de l’associé exclu au Conseil constitutionnel pour les raisons suivantes :

Premièrement, l’article L. 227-16, alinéa 1er, du Code de commerce pourrait permettre de priver, en exécution d’une clause statutaire d’exclusion, un associé de SAS de la propriété de ses droits sociaux sans que cette privation repose sur une cause d’utilité publique et,

Deuxièmement, en raison de la combinaison de ce texte et de l’article nouveau L. 227-19, alinéa 2, du Code de commerce, une SAS peut désormais, par une décision non prise à l’unanimité de ses membres, priver un associé de la propriété de ses droits sociaux sans qu’il ait consenti par avance à sa possible exclusion dans de telles conditions. En conséquence ces dispositions pourraient être de nature à porter atteinte au droit de propriété et à ses conditions d’exercice, garantis par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Avant la modification de l’article L.227-19 du Code de commerce, une clause statutaire d’exclusion pouvait être introduite dans les statuts d’une SAS et n’être modifiée qu’à l’unanimité des associés. En supprimant cette exigence, la loi SOILIHI, a suscité de nombreux débats en doctrine, et notamment le même que celui posé par les QPC, à savoir sur la conformité des nouvelles dispositions au droit de propriété.

Quelques mois après la transmission des QPC par la Cour de cassation, le Conseil Constitutionnel s’est prononcé en date du 9 décembre 2022, et a déclaré les articles L.227-16 et L.227-19 du Code de commerce conforment à la Constitution.

En effet, le Conseil Constitutionnel a expliqué :

Premièrement, que les dispositions susvisées permettent à une SAS d’exclure un associé en application d’une clause statutaire. Ainsi, les dispositions légales n’entraînent pas une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 ;

Deuxièmement, qu’en permettant à une SAS de contraindre un associé à céder ses actions, le législateur a entendu garantir la cohésion de son actionnariat et assurer ainsi la poursuite de son activité. En outre, en prévoyant que l’adoption ou la modification d’une clause d’exclusion puisse être décidée sans recueillir l’unanimité des associés, le législateur a également entendu éviter les situations de blocage, et par conséquent, le législateur a poursuivi un objectif d’intérêt général.

Troisièmement, que la décision d’exclure un associé (i) intervient à la suite d’une procédure prévue par les statuts, (ii) repose sur un motif qui doit être conforme à l’intérêt social et à l’ordre public, et (iii) ne doit pas être abusive.

Qu’enfin, l’exclusion de l'associé donne lieu au rachat de ses actions à un prix de cession fixé, qui peut être contesté ; tout comme la décision d’exclusion elle-même. Le juge doit alors s’assurer de la réalité et de la gravité des motifs ayant entrainé l’exclusion de l’associé.

Pour toutes ces raisons, le Conseil Constitutionnel a jugé que les dispositions contestées ne portent pas atteinte disproportionnée au droit de propriété et qu’en conséquence, elles ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit.

La décision du Conseil Constitutionnel vient clore le débat sur la validité des clauses statutaires d’exclusion insérées ou modifiées à la majorité prévue la modification des statuts.

L’équipe du pôle Croissance Externe/Corporate se tient à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.