Le prix prévu dans un pacte d’associé peut être revu par le juge si la clause est ambiguë

Dans un arrêt du 30 mars 2022, la Cour de Cassation a eu à arbitrer entre la force obligatoire d’un contrat et la volonté des parties.

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait considéré que la mise en œuvre d’un « coup d’accordéon » caractérisait une violation de la clause de non-dilution contenue dans un pacte d'actionnaires, et de conclure en condamnant les autres associés à payer le prix convenu à la promesse d'achat.

Pourtant, les autres associés avaient critiqué la formule de calcul du prix (ie « valeur de la totalité des actions égale à quatre fois l'EBIT retraité 2008 multiplié par cinq puis diminué de la dette financière nette ») en soulevant le fait (i) qu’une telle formule recelait « une erreur grossière et substantielle », et (ii) qu’il existait une formule de calcul différente pour la promesse de vente également contenue dans le pacte.

La Cour d’appel n’avait pas retenu cette approche en relevant que « c'est le conseil de ces sociétés, rompues au monde des affaires, qui a rédigé le pacte d'associés et que l'avenant des 22 et 28 décembre 2006 se réfère expressément à ce document ».

Les associés se pourvoient en cassation en relevant les éléments suivants :

  • « la formule de prix de la promesse de vente comprise dans le pacte d'associés du 23 novembre 2006 énonçait littéralement que l'EBIT (« earnings before interest and taxes », soit le bénéfice avant intérêts et impôts) serait à la fois multiplié par quatre et par cinq, tandis que ce type de formule ne comporte normalement qu'un multiple, usuellement d'un maximum de 7,5 dans les sociétés non cotées ;
  • qu'en jugeant que cette indication cumulative de deux multiples, qui aboutissait à une multiplication par vingt, ne comportait pas d'erreur au motif inopérant qu'elle avait été déterminée par « le conseil de ces sociétés, rompues au monde des affaires » (arrêt, p. 7 § 10), sans rechercher, ainsi qu'il lui était pourtant demandé (concl., p. 31 et s.), si cette méthode de calcul, qui aboutissait à la fixation d'un prix aberrant, l'application cumulative, dépourvue de la moindre logique, des multiplicateurs quatre et cinq aboutissant à multiplier par vingt, sans commune mesure avec la valeur des actions et les échanges précontractuels, était contraire à la volonté des parties, aux usages et à l'équilibre général du contrat, ce dont il résultait que l'application littérale de cette clause entachée d'une erreur manifeste devait être écartée et la volonté des parties recherchée ».

Dans son arrêt du 30 mars, la Cour de Cassation casse le raisonnement de la Cour d’appel aux motifs que « sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, s'il ne découlait pas du rapprochement de la clause litigieuse avec les autres stipulations du pacte d'associés, et notamment celle fixant le prix de vente des actions en cas de levée de la promesse d'achat, que cette clause était ambigüe et, à supposer qu'elle le soit, sans rechercher quelle avait été la commune intention des parties quant à la formule de calcul du prix de vente des actions, laquelle ne pouvait se déduire ni du constat que le conseil des sociétés Dentressangle et NDI était rompu au droit des affaires ni de la circonstance qu'un avenant au pacte d'associés avait été conclu, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

Bien que les dispositions contractuelles étaient explicites et librement négociées par les parties, la Cour de Cassation a privilégié la recherche de la commune intention des parties au détriment du principe d’intangibilité du contrat. Le département Croissance Externe/Corporate du cabinet Cloix Mendès-Gil peut vous accompagner dans vos projets.