La validité d’un coup d’accordéon dépend du caractère effectif de l’augmentation de capital

L’opération « coup d’accordéon », née de la pratique, consiste pour une société présentant des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social d’apurer ses pertes. Ainsi les associés décident de réduire le capital social à zéro euro puis de l’augmenter à nouveau.

Cette technique peut avoir pour conséquence d’évincer les associés qui n’ont pas les liquidités suffisantes pour réinvestir dans la société au moment de l’augmentation de capital qui suit la réduction de capital à zéro. Par un arrêt du 4  janvier 2023, la Cour de Cassation vient confirmer que ces deux opérations (réduction/augmentation de capital) sont liées et que l’une ne peut avoir lieu sans l’autre.

Lors d’une assemblée générale extraordinaire d’une SAS, il a été décidé de réduire le capital à zéro puis de l’augmenter, à l’issue du « coup d’accordéon », le président (ancien associé) devenant associé unique de la société.

Un des associés évincés a alors demandé au juge des référés de suspendre les résolutions de cette assemblée. Dans son ordonnance, le Président du tribunal de commerce a fait droit à sa demande et a suspendu les résolutions constatant la souscription de l’augmentation, mais non celles relatives à la réduction de capital et au principe de l’augmentation.

Peu de temps après cette décision, le président devenu associé unique a décidé d’un apport partiel d’actif de la SAS au profit d’une filiale. L’associé évincé a alors demandé l’annulation de cette dernière opération.

La cour d’appel de Paris a déclaré cette action irrecevable puisque, selon elle, le demandeur avait perdu sa qualité d’associé à la suite du coup d’accordéon. La cour d’appel fonde sa décision sur le fait que le juge des référés n’a suspendu que la résolution se rapportant à la souscription de l’augmentation et qu’en conséquence celle relative à la réduction de capital était toujours effective, de sorte que le demandeur avait bien perdu sa qualité d’associé.

La Cour de cassation censure l’interprétation de la Cour d’appel et s’appuie sur les articles L.210-2 et L.224-2 du Code commerce pour indiquer que la réduction de capital à zéro n’est licite que si elle est décidée sous la condition suspensive d’une augmentation effective de son capital amenant celui-ci à un montant au moins égal au minimum légal ou statutaire.

La Cour de cassation explique qu’en constatant que l’augmentation de capital n’était pas effective, la cour d’appel ne pouvait pas faire produire d’effet à la réduction de capital ; peu important que la résolution autorisant celle-ci n’ait pas été suspendue.

La Cour de cassation (Cass. com. 4 janvier 2023 n°21-10.609 F-B) juge ainsi que le demandeur a conservé sa qualité d’associé lui permettant d’agir en nullité contre l’opération d’apport partiel d’actif.

Avec cet arrêt, la Cour de cassation précise, pour la première fois, que l’augmentation de capital doit être effective, et tel n’est pas le cas d’une augmentation de capital dont les effets ont été suspendus par un juge des référés. L’augmentation de capital effective s’entend au sens de la présente décision, comme celle qui a été définitivement réalisée et non comme celle qui a seulement été décidée dans son principe.

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