La répartition inégalitaire des dividendes ne serait pas une donation indirecte

Dans un arrêt du 9 janvier 2023, la Cour d’appel de Paris a validé une distribution inégalitaire de dividendes et ainsi rejeté l’approche de l’administration fiscale considérant une telle opération comme une donation indirecte.

Dans cette affaire, la société Tahema avait perçu l'intégralité des dividendes distribués alors qu'elle ne détenait que 43,82% des parts de la société, M. [J], autre associé, s'étant irrévocablement dessaisi de la somme de 1 199 591 euros.

La Cour d’appel considère une telle opération comme régulière aux motifs, parfois très casuistiques, suivants :

  • « la décision a été prise par l’assemblée générale des actionnaires et non les époux J ;
  • il n'est pas non plus établi que les époux [J] se seraient 'dépouillés' au sens de l'article 894 du code civil puisque cette décision a tenu compte de l'absence de dividendes servis lors des trois exercices précédents et qu'il n'est aucunement prouvé que la somme versée à la société Tahema ait privé 'irrévocablement' les époux [J] de leur propre part ;
  • au vu du résultat comptable au 31 mai 2103 d'un montant de 5 558 459 euros, il n'est pas plus établi que les dividendes versés à la société Tahema à hauteur 2 135 123 euros aient compris l'intégralité des dividendes ayant vocation à être versés aux époux [J] au titre de ce même exercice » ;
  • et de conclure que les conditions d'une donation au sens de l'article 894 du code civil ne sont pas réunies.

La Cour d’appel semble ainsi confirmer l’arrêt du 18 décembre 2012 de la Cour de Cassation par lequel elle avait considéré comme valide une décision de répartition inégalitaire des dividendes, et ce au regard des éléments suivants :

  • la décision litigieuse n’était pas une donation, même indirecte, parce qu'elle émanait de la « collectivité des associés », donc d'un « organe social », et non de la volonté individuelle des prétendus donateurs ;
  • il n'y avait pas non plus « donation indirecte » en raison du fait  que les biens ou les droits prétendument donnés n'existaient pas encore « actuellement » dans le patrimoine des donateurs.

La Cour de Cassation avait alors (i) rappelé que la créance de dividendes ne naît que du jour où l'assemblée générale décide de procéder à leur distribution, et, (ii) précisé que « les bénéfices réalisés ne participent de la nature des fruits que lors de leur attribution sous forme de dividendes, lesquels n'ont pas d'existence juridique avant la constatation de l'existence de sommes distribuables par l'organe social compétent et la détermination de la part attribuée à chaque associé »

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La Cour d’appel de Paris adopte une approche assez formelle de la notion indirecte en considérant que l’adoption d’une distribution inégalitaire de dividendes par l’assemblée générale empêche toute intention libérale.

Toutefois, il convient de rester prudent compte tenu des arguments casuistiques relevés par la Cour d’appel de Paris et dans l’attente d’un éventuel pourvoi en cassation.

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