Garantie d’actif-passif : seul le fait générateur compte

Dans cet arrêt du 15 février 2022, RG n°20/08337, la Cour d’appel de Paris, rappelle que la détermination de l’antériorité du passif garanti s’effectue au regard du fait générateur ayant donné naissance au passif, peu importe la date d’exigibilité du passif.

Une garantie d’actif-passif est généralement négociée dans le cadre d’une acquisition d’actions ou de parts sociales. En effet l’acheteur souhaite se garantir contre une diminution de l’actif sur lequel il s’est appuyé pour valoriser les titres acquis ou contre une augmentation du passif qui peut apparaître à la suite provisions comptables insuffisantes par exemple.

Le passif garanti correspond aux dettes dont la cause ou l’origine est antérieure à la cession ou au bilan de référence en fonction duquel les parties ont fixé le prix de cession.

Comme cela a déjà été jugé à deux reprises par la Cour de cassation, en 2006 et en 2009, la cour d’appel de Paris a fait l’application du principe selon lequel la détermination de l’antériorité du passif garanti, sauf précision contraire dans la convention d’actif-passif, s’effectue au regard du fait générateur entrainant ce passif. Ce fait générateur correspond à l’acte ou au fait juridique qui lui a donné naissance, peu importe la date d’exigibilité du passif.

Dans un arrêt en date du 15 février 2022, la cour d’appel de Paris a, donc, fait droit aux demandes d’un acquéreur de parts ayant mis en œuvre la garantie d’actif et de passif, qui couvrait la survenance de « tout passif non compris dans le bilan de la société arrêté au 31 décembre 2010 ainsi que tout insuffisance d’actif par rapport à ce bilan ».

En l’espèce, il a notamment été jugé que les éléments de passif suivants auraient dû être provisionnés et, qu’à défaut, la garantie d’actif-passif prévue au protocole de cession pouvait être mise en œuvre :

  • Condamnation non provisionnée aux frais et dépens, prononcée par un jugement d’un conseil de prud’hommes ayant donné lieu à un état de frais notifié à la société en 2008, puis à un titre de perception émis en décembre 2011 suivi d’une demande en paiement adressée à la société janvier 2012 par le Trésor Public. La cour d’appel de Paris a jugé que le fait générateur de ce passif n’est pas le titre de perception mais l’état de frais à compter duquel le principe et le montant du passif étaient connus. En conséquence ce montant de frais et dépens aurait dû être provisionné dans les comptes de l’exercice 2010.
  • Honoraires d’avocats non provisionnés correspondant à des diligences accomplies en 2013 lors d’une procédure d’appel opposant un salarié à la société, dès lors que le salarié avait fait appel le 15 octobre 2010. La cour d’appel ayant jugé que le fait générateur de ces honoraires était la déclaration d’appel, faisant de ces honoraires un passif rattachable au bilan de l’exercice 2010, peu importe que la représentation par avocat ne fût pas obligatoire ; la société l’ayant jugé nécessaire en raison de la complexité du contentieux.

L’activation de la garantie d’actif-passif pour les honoraires d’avocats non provisionnés en 2010 pourrait paraître sévère, d’autant plus qu’en première instance le tribunal de commerce de Paris a jugé qu’il s’agissait et de dépenses courantes de la société n’entrant pas dans le champ de la garantie d’actif-passif. Il conviendrait d’être attentif à l’arrêt de la Cour de cassation sur ce point, si l’affaire venait à être portée devant la haute juridiction.

Concernant, l’activation de la garantie d’actif-passif en raison de la condamnation au frais et dépens non provisionnée, il ne fait aucun doute que la Cour de cassation, si elle était amenée à se prononcer sur cette affaire, irait dans le sens de la cour d’appel. D’une part, parce que le titre de perception émis par le Trésor public pour recouvrer les sommes est un titre exécutoire nécessaire à leur recouvrement, et ne constitue pas le fait générateur ; et d’autre part parce que la Cour de cassation a déjà jugé que la créance de frais et dépens a comme fait générateur la décision qui statue sur leur sort (Cass.com 11-6-2002 n°00-12.289).

En tout état de cause, il faut garder à l’esprit que la mise en jeu d’une garantie d’actif-passif est possible dès lors que le fait générateur, entrainant une diminution de l’actif ou une augmentation du passif existant, a eu lieu avant l’arrêté des comptes ayant permis de valoriser la société et d’arrêter le prix de ses titres.

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