De l’importance du pacte d’actionnaires

Le pacte d’actionnaires est un élément fondamental de la pratique des affaires dans le cadre de la constitution de sociétés, de levées de fonds, ou d’entrée de nouveaux investisseurs.

Toutefois, certains dirigeants ou actionnaires s’interrogent toujours sur l’opportunité de conclure un tel contrat compte tenu de l’existence des statuts d’une société, lesquels sont obligatoires.

1. Les statuts couvrent un périmètre étendu

Pour mémoire, les statuts sont un contrat de société définissant (i) les règles auxquelles sont soumises les actionnaires, d'une part, entre eux-mêmes et, d'autre part, entre eux et la société, et (ii) les principales caractéristiques et règles de fonctionnement de la société.

Ainsi, les statuts sont publics et opposables aux tiers et à la société. Dès lors, un tiers et/ou la société peuvent se prévaloir d’un manquement aux statuts sous réserve de démontrer (i) un intérêt à agir, et (ii) l’existence d’un préjudice.

Les statuts doivent comporter les mentions obligatoires suivantes (article 1835 du Code civil) :

  • Les apports de chaque associé ;
  • La forme juridique ;
  • L'objet social ;
  • La dénomination ou raison sociale ;
  • L’adresse du siège social de la société ;
  • Le montant du capital social ;
  • La durée de la société ;
  • Les modalités de son fonctionnement.

En outre, des mentions complémentaires sont impératives en fonction de la forme de la société.

Alors pourquoi conclure un pacte d’actionnaires ?

2. Mais le pacte est confidentiel et permet une plus grande liberté, pour s’adapter à tous les cas de figure

L’un des principaux attraits du pacte d’actionnaire est que ce dernier ne lie que les entités signataires (la société pouvant en être partie), d’aucuns parlent d’un document « secret » ou « confidentiel ».

En effet, il est courant que des actionnaires ne souhaitent pas que les modalités associées à leur entrée au capital d’une société soient publiques (notamment la durée d’engagement, les modalités d’entrée ou de sortie des actionnaires).

Si récemment certaines affaires ont médiatisé l’existence de pactes d’actionnaires (affaires « La Provence » et « Lagardère » notamment), elles ont tout autant souligné l’intérêt d’une telle pratique.

En effet, dans ces deux affaires, les règles relatives au droit de préemption (mécanisme de rachat prioritaire par les actionnaires des actions d’un actionnaire cédant), au droit d’agrément (accord obligatoire des actionnaires sur le projet de cession d’un actionnaire cédant) sont au cœur des débats et des enjeux, en l’occurrence du contrôle de ces sociétés.

C’est ainsi que les pactes d’actionnaires classiques portent sur les principales dispositions suivantes :

  • La clause de non-concurrence / exclusivité ;
  • La clause d’inaliénabilité ;
  • La clause de préemption ;
  • La clause d’agrément ;
  • La clause de cession / rachat forcée;
  • La clause d’exclusion;
  • La clause de sortie conjointe.

Toutefois, en présence d’investisseurs financiers, les pactes d’actionnaires comportent par ailleurs des clauses plus complexes, telles que :

  • Clause de buy or sell : une telle clause permet à un associé, en cas de conflit avec un autre associé, de lui proposer de lui acheter ses titres, l’associé destinataire de l’offre disposant d’une option, à savoir : céder ses titres à l’autre associé au prix proposé ou, au contraire, racheter les titres de l’autre associé, au prix initialement proposé. 
  • Clause ratchet : une telle clause a pour objet de permettre des investisseurs de maintenir leur niveau de participation en cas de nouvelle levée de fonds qui se ferait sur la base d’une valorisation de la société inférieure à celle qui a été retenue lors de leur entrée au capital ;

Certes, le Code de commerce prévoit des cas de nullité en cas de non-respect de certaines obligations statutaires, tel n’est pas le cas en matière de pacte d’actionnaires. Ainsi, l'article L. 228-23, alinéa 5 du Code de commerce dispose que toute cession d'actions effectuée en méconnaissance d'une clause d'agrément statutaire est nulle.

Toutefois, le pacte d’actionnaires n’est pas dénué de force exécutoire. Comme toute convention, son non-respect peut entrainer notamment l’octroi de dommages et intérêts et/ou l’exécution forcée des obligations non respectées (article 1217 du Code civil) notamment des promesses de vente.

A noter qu’il convient d’être attentif s’agissant de la coordination des statuts avec le pacte d’actionnaire. Ainsi, la Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 5 juin 2019 (17-18.967), que les statuts modifiés postérieurement à la conclusion du pacte constituent un amendement de celui-ci.

Le pacte d’actionnaires constitue donc un acte indispensable complémentaire aux statuts de la société. Un pacte ayant notamment vocation à préciser des obligations des statuts et/ou anticiper des situations de blocage, il convient d’être particulièrement vigilant dans sa rédaction.

3. Approfondissement lors des prochaines newsletters

Le département Corporate vous propose d’approfondir lors de prochains articles le thème du pacte d’actionnaire, avec notamment :

  • agrément ;
  • droit de préemption ;
  • clause “tag-along and drag-along”;
  • clause “bad / good leaver”;
  • Exclusivité / non-concurrence.