Préjudice et coresponsabilité dans l’échec d’un projet informatique

La Cour de Cassation, dans un arrêt du 23 mars 2022, revient sur le principe d’indemnisation des parties en cas de résiliation d’un contrat informatique aux torts partagés.

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation rappelle que la part de responsabilité dans l’échec d’un projet informatique (en l’espèce considérée à 50/50) doit être appliquée au calcul du préjudice, et notamment le fait qu’une compensation des préjudices respectifs ne peut s’opérer qu’après avoir appliqué un tel coefficient.

A titre liminaire, il convient de préciser que cet arrêt est un arrêt de cassation rendu sur un arrêt de renvoi de la Cour d’appel de Paris suite à une première cassation.

En effet, par son premier arrêt du 19 septembre 2018, la Cour de Cassation avait déjà remis en cause le raisonnement de la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 16 janvier 2017 (n°15/03724).

Ainsi dans ce affaire, alors que la Cour d'appel de Paris, avait constaté que chacune des sociétés en cause avait contribué à la mauvaise exécution du contrat, « étant définitivement acquis que chacune avait contribué au dommage à hauteur de 50 % », elle avait rejeté la demande d’indemnisation du client au motif que « considérant ensuite que, le contrat ayant été résilié par la faute de chacune des parties à hauteur de 50 %, la société Seafrance est mal fondé à reprocher à la société Gil-Restauration Multi-activité des retards et une résiliation du contrat auxquels elle a elle-même contribué ; que la société Seafrance doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts présentée à hauteur de 439 781,81 euros ».

La Cour de Cassation, dans son arrêt du 19 septembre 2018, censurait ce raisonnement au motif que « en se déterminant ainsi, sans rechercher si les manquements respectifs des parties à leurs obligations avaient causé à chacune d'elles un égal préjudice de nature à entraîner la compensation totale entre les dommages-intérêts auxquels elles pouvaient réciproquement prétendre ».

Dans l’arrêt de renvoi du 13 décembre 2019 (n°18/24369), la Cour d’appel de Paris a reconnu à chacune des parties l’existence d’un préjudice, et ainsi, procédé à la compensation entre les créances respectives des parties au motif que les parties « étaient responsables à part égale de l’échec du projet ».

La Cour de Cassation, dans cet arrêt du 23 mars 2022,  critique à nouveau ce raisonnement au motif que la Cour d’appel n’a pas appliqué une décote de 50% sur les préjudices avant d’opérer la compensation et ainsi accorder l’indemnisation intégrale des préjudices en considérant que « en statuant ainsi, alors que, chacune des parties contractantes étant jugée responsable pour moitié de la résiliation du contrat, elle devait réparer le préjudice subi par l'autre du fait de cette résiliation en tenant compte de cette proportion, soit seulement à concurrence de 50 % de ce préjudice, la compensation ne devant s'opérer qu'après application au préjudice de chaque partie de ce coefficient, la cour d'appel qui, en ordonnant la compensation sans tenir compte de cette proportion, a condamné chaque partie à indemniser intégralement le préjudice de l'autre, a violé le texte susvisé ».

La Cour d’appel de Paris devra donc, pour la troisième fois, être amenée à statuer dans cette affaire.

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