Cas d’école pour l’application du consensualisme aux contrats informatiques
Le 22 octobre 2024, le tribunal de commerce de Bobigny a rendu un jugement qui illustre de manière frappante l’application du principe du consensualisme.
Dans cette affaire, un contrat implicite est jugé formé sur la base de comportements non équivoques.
Les faits du litige
En l’espèce, un fournisseur de services informatiques a assuré la maintenance d’un logiciel pour une entreprise pendant plusieurs années. Un contrat de maintenance avait été signé entre les parties en 2010. Le contrat n’a pas été renouvelé, mais l’entreprise cliente a réglé les factures du prestataire sans contestation, par virement ou chèque.
Cependant, la nouvelle direction de la cliente a remis en cause ces factures, demandant des justificatifs pour les paiements effectués entre 2018 et 2022. Elle a alors constaté qu’aucun contrat écrit ne justifiait de facturation, et qu’aucune intervention n’avait été sollicitée.
Le prestataire, pour sa part, soutient qu’un contrat implicite a bien été formé, que sa cliente ait sollicité ou non les prestations.
La formation d'un contrat implicite
L’article 1113 du Code civil précise que le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation, qui peuvent se manifester par un comportement non équivoque des parties. Autrement dit, un contrat peut être formé même en l’absence d’échange formel de signatures.
En l’espèce, bien que les parties n’aient pas signé de nouveau contrat, la cliente a approuvé – de fait – pendant plusieurs années les factures émises. Ce comportement non équivoque est ainsi considéré comme un moyen de démontrer le consentement des parties.
L'absence de protestation comme manifestation de consentement
L’argument selon lequel le silence ou l’absence de contestation peut être interprété comme un consentement est soutenu par l’article 1120 du Code civil : « le silence ne vaut pas acceptation, à moins qu’il n’en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d’affaires ou de circonstances particulières ».
Dans la présente affaire, la cliente a payé les factures du prestataire pendant plusieurs années, sans soulever d’objections. Ce comportement est considéré comme un silence tacite valant acceptation des conditions du contrat de maintenance continue du logiciel.
Les usages commerciaux comme éléments constitutifs du contrat implicite
Un autre élément clé du jugement réside dans l’application des usages commerciaux. La pratique commerciale liée aux logiciels et à leur maintenance doit ainsi être observée puisqu’elle peut créer des attentes implicites entre les parties.
En l’espèce, la persistance du contrat était nécessaire pour permettre à la cliente de conserver sa licence et de continuer à utiliser le logiciel. Dès lors, le paiement régulier des redevances annuelles ne pouvait qu’indiquer la volonté de la cliente de poursuivre son utilisation du logiciel, et de maintenir ainsi la relation contractuelle.
L’application du consensualisme
Le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny le 22 octobre 2024 a condamné la société cliente à régler les factures impayées.
Cette décision confirme la flexibilité du droit des contrats dans le cadre des relations commerciales. Elle rappelle que, même en l’absence de formalisme, des éléments de preuve comme les paiements réguliers ou l’absence de contestation peuvent suffire à démontrer l’existence d’un contrat implicite.
En pratique…
- Les parties peuvent toujours choisir de déroger au consensualisme en convenant que leur volonté ne pourra s’exprimer valablement que dans le respect de certaines formes (en indiquant l’importance de ce formalisme au sein d’un contrat-cadre ou d’un avant contrat par exemple).
- Il est conseillé d’indiquer par écrit tout point de désaccord afin d’être en mesure de contester la facturation.
- Il est conseillé de veiller à ce que le prestataire ne débute pas la prestation avant la conclusion d’un accord exprès sur les conditions de réalisation de celle-ci.
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