Les enseignements des lignes directrices de la Commission européenne concernant le règlement « OSP »

Dans sa communication du 22 juin 2023 sur des lignes directrices interprétatives concernant le règlement (CE) n°1370/2007 du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route (Règlement OSP)[1], la Commission européenne souligne qu’elle « n’instaure aucune nouvelle règle. Elle y fournit des éclaircissements et des orientations à l’intention des États membres sur la manière dont elle interprète les dispositions du règlement, compte tenu notamment de la jurisprudence des juridictions de l’Union en la matière ».

La Commission européenne apporte des enseignements sur différents sujets traités par le Règlement OSP à savoir :

  • Le champ d’application du Règlement OSP permettant de déterminer s’il s’applique dans les domaines suivants :
    • les marchés publics et les concessions de service de transport
    • le transport de marchandises
    • le transport par les voies navigables intérieures, les voies maritimes nationales,
    • les services publics de transports internationaux
  • les obligations de service public multimodal
  • la définition des obligations de service public (OSP) et le contenu des contrats de service public
  • la définition et la nature des droits exclusifs
  • l’accès aux facteurs de production et aux informations essentiels
  • les modalités d’attribution des contrats de service public
  • la compensation des services publics

1. Les règles applicables aux marchés publics et concessions de transport

La Commission européenne a synthétisé le champ d’application de chacune de ces réglementations dans le tableau suivant :

Mode de transportMarchés publics de services au sens des directives 2014/24/UE et 2014/25/UEConcessions de services au sens de la directive 2014/23/UE
Autobus et tramwayDirectives 2014/24/UE et 2014/25/UERèglement n°1307/2007
Chemin de fer et métroRèglement n°1307/2007Règlement n°1307/2007

2. La définition des obligations de service public et le contenu du contrat de service public

2.1 La définition des obligations de service public

Concernant la définition des OSP, la Commission européenne explique que les OSP doivent être justifiées par un « besoin réel de service public ». Il semble que cette condition ne ressorte pas explicitement du règlement OSP. Elle explique :

« L’article 2, point e), du règlement CE n°1370/2007 cité ci-dessus doit être lu conformément à la jurisprudence des juridictions de l’Union.

Il découle de cette jurisprudence qu’avant de définir les spécifications des obligations de service public, l’autorité compétente doit évaluer si les services de transport public envisagés répondent à un besoin réel.

Conformément à cette jurisprudence, afin d’apprécier l’existence de ce besoin réel, il convient que les autorités compétentes :

  • Evaluent s’il existe une demande de la part des usagers
  • Evaluent si cette demande ne peut être satisfaite ne fût-ce que partiellement, par les opérateurs du marché en l’absence d’obligations de service public ; et
  • Privilégient la méthode la moins restrictive pour les libertés fondamentales et la moins préjudiciable au bon fonctionnement du marché intérieure afin de satisfaire les besoins recensés »

La Commission européenne apporte des explications pour chacune de ces conditions.

Sur la première condition relative à l’existence d’une demande des usagers, la Commission européenne indique que l’évaluation « ex ante » peut être effectuée selon différentes méthodes telles que le recours à des données historiques, des sondages représentatifs ou des consultations publiques des usagers afin de déterminer leur attente vis-à-vis des services publics.

S’agissant de la deuxième condition relative à l’offre existante, la Commission européenne rappelle que cette condition n’est requise « que lorsque des droits de libre accès applicables au type de services couvert par le contrat de service public ont été introduits par le droit de l’Union ou le droit national ».

Effectivement, en France par exemple, l’offre de transport en « libre accès » ou « les services librement organisés » n’est possible que dans des cas limités. Ainsi pour le transport routier, le libre accès n’est possible que pour le transport non urbain pour une liaison dont deux arrêts sont distants de cent kilomètres et sous réserve que le service ne porte pas une atteinte substantielle à l'équilibre économique de la ligne ou des lignes de service public de transport susceptibles d'être concurrencées ou à l'équilibre économique du contrat de service public de transport concerné (article L3111-18 du Code des transports).

Les services librement organisés sont également possibles pour le transport ferroviaire sous réserve qu’ils ne compromettent pas l’équilibre économique d'un ou de plusieurs contrats de service public couvrant le même trajet ou un trajet alternatif.

Par conséquent, cette condition en France serait requise dès lors qu’une autorité organisatrice envisagerait des services sur des liaisons de transport collectif assurées en libre accès. Néanmoins, plusieurs questions se posent alors, notamment :

  • est ce que la condition est requise alors que le contrat de service public préexistait à l’offre en libre accès ? en d’autres termes, est ce que cette condition est requise pour tout renouvellement de contrat de service public ?
  • est ce que la condition est requise alors même que le service en libre accès n’est pas encore en place mais que l’opérateur en a informé l’Autorité de régulation des transports ?

S’agissant toujours de cette deuxième condition, la Commission explique que l’offre existante peut être prise en compte pour d’autres modes de transport « mais cela n’est pas une obligation ». Ainsi, concrètement, si un TER est envisagé sur tout ou partie d’une liaison routière existante, l’existence de cette dernière ne remet pas en cause l’existence d’un besoin réel d’obligations de service public.

S’agissant de la troisième condition relative au choix de la méthode la moins préjudiciable au fonctionnement du marché intérieur, l’autorité compétente doit envisager des mesures alternatives pour ne pas porter préjudice au marché intérieur, notamment à l’offre existante proposée par des opérateurs privés. A nouveau, la Commission européenne indique que cette condition n’est requise que lorsqu’il existe des services en libre accès.

2.2 Le périmètre du contrat de service public : la possibilité de regrouper des services couvrant leurs coûts et des services ne couvrant pas ces coûts

Il est possible de regrouper dans un contrat de service public des services couvrant leurs coûts avec des services ne couvrant pas leurs coûts. Dans ce cas, la Commission préconise de garantir un système de transport cohérent et viser à tirer parti des effets de réseau positifs plutôt que « de se contenter de limiter le montant de la compensation ».

3. Les droits exclusifs prévus au contrat de service public

Lorsque l’autorité compétente souhaite accorder des droits exclusifs, il doit conclure un contrat de service public.

Par ailleurs, dans le cas d’un contrat portant sur du transport ferroviaire, ces droits exclusifs doivent s’accorder avec le principe de libre accès prévu par l’article 10 de la directive 2012/34/UE (relatif à un espace ferroviaire unique européen). La limitation de ces services en libre accès est possible uniquement lorsqu’ils compromettent l’équilibre économique du contrat de service public.

4. La possibilité d’une prolongation de la durée du contrat de service public pouvant aller jusqu’à 50%

L’article 4 § 3 du règlement OSP fixe des durées maximales variant selon le mode de transport considéré :

  • 10 ans pour les contrats portant sur les services d’autobus et d’autocar
  • 15 ans pour les contrats portant sur les services de transport par chemins de fer ou autres modes ferroviaires
  • 15 ans pour les contrats portant sur plusieurs modes de transport à condition que le transport par chemin de fer ou autres modes ferroviaires excède 50 % de la valeur des services en question

Néanmoins, le règlement OSP prévoit la possibilité d’une prolongation de 50 % « si l’opérateur de service public fournit des actifs à la fois significatifs au regard de l’ensemble des actifs nécessaires à la fourniture des services de transport de voyageurs qui font l’objet du contrat de service public et principalement liés aux services de transport de voyageurs objets de ce contrat ».

La Commission européenne apporte des éclaircissements sur cette dérogation :

  • La période de tuilage ou de « mobilisation » qui s’écoule entre la date de notification du contrat de service public et la mise en service n’est pas comprise dans la durée du contrat. Des versements anticipés de compensation peuvent être effectués pendant cette période
  • La Commission européenne donne des exemples aux circonstances justifiant la prolongation : l’opérateur de service public fournit des actifs tels que du matériel roulant, des installations d’entretien ou des infrastructures dont la durée d’amortissement est exceptionnellement longue, qui sont significatifs au regard de la valeur de l’ensemble des actifs nécessaires à la fourniture des services de transport de voyageurs.
  • L’autorité compétente doit indiquer la possibilité de la prolongation et ses conditions dans les documents de la consultation

5. Le périmètre de la sous-traitance : obligation d'une limitation du périmètre tout en permettant un socle de sous-traitance

L’article 4 § 7 du règlement OSP prévoit que l’opérateur chargé de la gestion et de l’exécution du service public de transport de voyageurs est tenu d’exécuter lui-même une partie importante du service public de transport de voyageurs qu’il ne peut sous-traiter.

Pour la Commission, « sans préjudice d’une analyse au cas par cas, il semblerait raisonnable de considérer que la sous-traitance de plus d’un tiers des services de transport public devrait être solidement motivée (…) tels que la volonté d’éviter l’établissement de faux opérateurs internes ». Pour la Commission, cette proportion se calcule « en valeur ou en fonction des kilomètres de réseau » (la Commission renvoie pour cette référence à la décision suivante : CJUE, 27 octobre 2016, Hörman Reisen, aff. C-292/15).

Toutefois, il est possible de fixer dans le contrat de service public un pourcentage minimal des services de transport en termes de valeur à sous-traiter.   


[1] C(2023)3978 final, 22.6.2023