Insuffisance de la motivation d’une décision de préemption assortie de nombreux visas inutiles et mentionnant une opération mixte conservant une activité sur le site
L’assouplissement de la jurisprudence relative aux décisions de préemption ne va pas jusqu’à permettre qu’une telle décision soit motivée par la mention d’une opération dont on ne peut connaître la nature exacte.
L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris en date du 29 février 2024 commenté ici, apporte de nouvelles précisions sur le degré de précision de la motivation des décisions de préemption.
Le sujet est si difficile, qu’il est opportun de noter toutes les références en la matière.
1°) L’obligation de motivation des décisions de préemption
Les grandes lignes du régime applicable sont assez bien connues.
Il ressort de l’article L. 210-1 du Code de l’urbanisme d’une part, que les décisions de préemption sont obligatoirement exercées en vue d’une action ou d’une opération d’aménagement définie à l’article L. 300-1 du même Code et d’autre part, que cette action ou opération doit apparaître dans la motivation de la décision de préemption.
Après un temps de sévérité, la jurisprudence s’est assouplie par l’effet de la décision du Conseil d’Etat du 7 mars 2008, commune de Meung-sur-Loire (req. n°288371). Selon cette décision, les autorités compétentes peuvent légalement exercer le droit de préemption, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.
Le degré de souplesse laissé ainsi à l’autorité administrative implique un effort d’interprétation.
2°) Insuffisance de la motivation malgré de nombreux visas et la mention d’une opération mixte conservant une activité sur le site
La décision de préemption contestée contenait des visas divers tels que notamment la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au grand Paris, le schéma régional de l'habitat et de l'hébergement du 20 décembre 2017, une convention foncière tripartite signée le 14 février 2019 avec l'établissement public territorial Est Ensemble et la commune de Montreuil, les orientations du SDRIF, les objectifs du PADD du PLU de la commune.
La décision évoquait en outre le programme d'intervention foncière de l'Etablissement public foncier compétent et le classement de la parcelle au sein du PLU.
Elle ajoutait enfin que « la préemption du bien objet de la DIA est stratégique pour la conservation de l'activité sur le territoire » et que son acquisition « permettra de réaliser une opération mixte conservant une activité sur le site ».
Mais aucune de ces mentions ne permettait de connaitre avec un degré de précision suffisant, selon la Cour, la nature du projet en vue duquel la préemption avait été entreprise. Il ne servait donc à rien de s’étendre autant, il fallait être plus précis.
C’est la raison pour laquelle la décision litigieuse a été annulée.
Réf. : CAA de PARIS, 1ère chambre, 29/02/2024, req. n°23PA01497