Annulation d’une décision de préemption en raison d’une mention incohérente sur le prix

Une différence entre le prix exprimé en lettres et le prix exprimé en chiffres dans une décision de préemption peut entrainer son annulation.

Selon un arrêt de la Cour administrative d’appel de de Paris du 29 février 2024, une incohérence entre le prix exprimé en chiffres et le prix exprimé en lettres dans une décision de préemption affecte un élément essentiel de cette décision.

1°) L’obligation de faire figurer le prix dans les décisions de préemption

L'article R. 213-8 du code de l'urbanisme dispose : " Lorsque l'aliénation est envisagée sous forme de vente de gré à gré ne faisant pas l'objet d'une contrepartie en nature, le titulaire du droit de préemption notifie au propriétaire : / (...) c) Soit son offre d'acquérir à un prix proposé par lui et, à défaut d'acceptation de cette offre, son intention de faire fixer le prix du bien par la juridiction compétente en matière d'expropriation ; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment de l'indemnité de réemploi. (...). ".

Il est certain que l’absence de prix entache d’illégalité la décision de préemption.

Plusieurs références vont en ce sens :

Il était moins évident qu’une contradiction entre les mentions du prix en lettres et en chiffres, qui résultait vraisemblablement d’une erreur d’inattention, puisse entrainer l’annulation. C’est du moins ce que soutenait le défendeur dans l’affaire commentée ici.

2°) Inapplicabilité de l’article 1376 du Code civil

L’article 1376 du Code civil dispose :

« L'acte sous signature privée par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s'il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. / En cas de différence, l'acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres. »

Il était tentant de se référer à cet article afin d’écarter la requête.

La Cour a écarté ce raisonnement.

Elle considère au contraire qu’il ne s’agit pas une erreur de pure forme mais une incohérence affectant « un élément essentiel, dès lors en particulier que ces mentions du prix sont les seules figurant dans la décision attaquée » et que cette contradiction « doit être regardée comme une décision ne comportant aucun prix, prise en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 213-8 du code de l'urbanisme et ainsi entachée d'illégalité ».

La solution peut paraître sévère.

Elle peut se comprendre si l’on considère que les mentions obligatoires de la décision de préemption constituent une garantie pour le vendeur.

Il est également probable que l’ampleur de la contradiction a joué un rôle puisque la mention en toutes lettres était " cent-quatre-vingt-dix-mille " euros et la mention en chiffres " 290 000 " euros.

Une confirmation par le Conseil d’Etat pourrait être utile.

Réf. : CAA PARIS, 29/02/2024, req. n°22PA03860