Absence d’incidence des décisions du juge de l’expropriation sur l’examen de l’évaluation sommaire des dépenses du dossier d’enquête publique

Selon la Cour administrative d’appel de Nantes, la circonstance que le juge de l’expropriation ait adopté des décisions défavorables à l’expropriant, ne permet pas d’établir, par elle-même, une sous-évaluation manifeste des coûts présentés dans le dossier d’enquête publique.

L’arrêt commenté ici, en date du 16 février 2024, porte sur un recours formé à l’encontre d’un arrêté du préfet de la Loire-Atlantique déclarant d'utilité publique la réalisation du projet de réaménagement de l'îlot de la place de l'église sur le territoire de la commune de Saint-Père-en Retz.

Parmi les différents moyens présentés, l’un d’eux soulevait l’intéressante question des conséquences à tirer de décisions du juge de l’expropriation ne correspondant pas aux éléments économiques et financiers au vu desquels un tel arrêté a été adopté.

1°) L’obligation de présenter une appréciation sommaire des dépenses

L’article R. 112-4 du Code de l’expropriation décrit la composition du dossier devant, en principe, être soumis à l’enquête publique avant l’adoption de la déclaration d’utilité publique (DUP) de travaux ou d'ouvrages.

Parmi les éléments devant être présentés, un élément souvent critiqué, est l'appréciation sommaire des dépenses.

Il s’agit d’une pièce obligatoire, mais puisque l’appréciation requise est sommaire, elle n’a pas à détailler l’ensemble des coûts du projet. Elle doit néanmoins intégrer le coût des indemnités devant être versées aux expropriés en vue de l’acquisition du foncier (CE, 11 juillet 2016, req. n° 389936).

On pouvait donc légitiment se demander si un requérant ne pouvait pas se prévaloir des décisions du juge de l’expropriation très éloignées des prévisions figurant dans le dossier d’enquête publique, afin de contester un arrêté de DUP.

2°) La confrontation de l’appréciation sommaire des dépenses aux décisions du juge de l’expropriation

Le contrôle exercé sur la fiabilité de l’appréciation sommaire des dépenses est limité pour plusieurs raisons (CE, 17 avril 2023, req. n°464389) :

  • Le juge ne sanctionne que les sous-évaluations manifestes ;
  • Le juge vérifie l’existence d’une sous-évaluation à la date de l’enquête publique, en tenant compte des données qui étaient alors disponibles.

Or, le juge de l’expropriation ne peut être saisi, au plus tôt, qu’après l’ouverture de l’enquête publique (article L. 311-1 du Code de l’expropriation), de sorte que ses décisions n’interviennent qu’après la fin de l’enquête publique.

Il est donc logique de considérer que des décisions du juge de l’expropriation défavorables à l’égard de l’expropriant, ne puissent pas remettre en cause l’appréciation sommaire des dépenses.

La Cour administrative d’appel de Nantes introduit toutefois une nuance en considérant que les décisions du juge de l’expropriation ne suffisent pas en elles-mêmes à remettre en cause cette appréciation. Cela laisse entendre que l’examen des décisions du juge de l’expropriation pourrait venir au soutien d’un moyen prenant appui sur les données disponibles à la date de l’enquête publique.

C’est donc une approche toute en subtilité que les requérants doivent adopter.

Réf. : CAA Nantes, 16 février 2024, req. n°22NT03613