Rupture conventionnelle
L’employeur ne commet pas un abus de droit en n’acceptant pas de signer une rupture conventionnelle après avoir découvert la faute commise par le salarié.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties : le refus de l’employeur de consentir à une telle convention, aux motifs de la découverte d’une faute du salarié, ne caractérise pas un abus de droit. Est donc censurée la Cour d’appel qui avait jugé justifiée la prise d’acte motivée par le refus de rupture conventionnelle.
Cour de cassation, chambre sociale 19 mai 2021, pourvoi n° 19-20.526
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 mai 2019), Mme [X] a été engagée le 28 novembre 1984 par M. [Z] au sein de son cabinet d'assurances en qualité de collaboratrice d'agence généraliste. Le 1er juillet 2009 son contrat de travail a été transféré à M. [E].
2. Le 28 août 2015, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant à l'employeur d'avoir rétracté son accord en vue d'une rupture conventionnelle et a saisi la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte est justifiée et de le condamner au paiement de sommes à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité de préavis, d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité pour impossibilité d'exercer son droit individuel à la formation, alors « que la rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties ; que le refus de signer une telle convention ne peut dégénérer en abus que s'il est démontré l'existence d'un motif illégitime ou une volonté de nuire ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que la salariée avait commis une faute à l'égard de son employeur en transférant des contrats d'assurances sans l'accord de l'agent d'assurance requis par le règlement de transfert ; qu'en considérant cependant que le refus de signer la rupture conventionnelle était abusive dès lors que cette faute de la salariée était "minime" et que la réaction de l'employeur (qui n'a cependant pas sanctionné son employée) était "disproportionnée", la cour d'appel qui n'a pas caractérisé l'abus de droit a violé les articles L. 1231-1 et L. 1237-11 du code du travail ensemble l'article 1134 (dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, art. 2, en vigueur le 1er octobre 2016). »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1231-1, L. 1237-11 et L. 1237-13 du code du travail :
4. Il résulte du premier de ces textes que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
5. Aux termes du deuxième de ces textes, l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat.
6. Le dernier de ces textes prévoit, en son dernier alinéa, qu'à compter de la date de la signature de la convention de rupture par les deux parties, chacune d'elles dispose d'un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation.
7. Pour dire la prise d'acte justifiée, allouer à la salariée des sommes à titre d'indemnités de rupture et une indemnité pour l'impossibilité d'exercer le droit individuel à la formation, l'arrêt retient que la décision de l'employeur de ne pas signer le formulaire de rupture conventionnelle était motivée par le fait que la salariée avait, avant son départ, transféré dans une autre agence les différents contrats d'assurance de trois membres de sa famille, que si le refus d'une rupture conventionnelle est une faculté pour les parties et ne peut être en principe fautif, sauf abus, il résulte des circonstances de l'espèce que même si les articles 3 et 4 du règlement de transfert de contrat d'un client MMA prévoient que la décision de transfert revient à l'agent d'assurance, s'agissant d'une salariée irréprochable, qui avait trente ans d'ancienneté et dont le départ avait été fêté, la réaction de l'employeur a été disproportionnée. L'arrêt en déduit que l'employeur a abusé de son pouvoir de direction et manqué à son devoir de loyauté en fondant son revirement sur une faute minime de la salariée et que ces faits caractérisent dans leur ensemble des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
8. En statuant, ainsi par des motifs insuffisants à caractériser un abus du droit de l'employeur de ne pas consentir à une rupture conventionnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles.