L’audience de règlement amiable et la césure du procès

En janvier 2023, le Garde des Sceaux a présenté un Plan d’action destiné à « favoriser une véritable politique de l’amiable et une justice participative » en opérant « une révolution culturelle pour le monde judiciaire ». L’objectif de cette réforme étant « qu’au terme du quinquennat, les délais de procédure en matière civile soient en moyenne divisés par deux »[1].

Le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 portant diverses mesures favorisant le règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire, applicable aux instances introduites depuis le 1er novembre 2023, insère au sein du code de procédure civile deux nouveaux mécanismes de résolution amiable : l’audience de règlement amiable, inspirée de la conférence de règlement amiable québécoise, (I) et la césure, empruntée à la pratique judiciaire allemande et néerlandaise (II).

  • L’audience de règlement amiable – ARA

L’audience de règlement amiable, ou ARA, est introduite au sein des dispositions communes à toutes les procédures devant le tribunal judiciaire, aux articles 774-1 et suivants du code de procédure civile.

Il s’agit d’offrir aux parties la possibilité, à tout moment de la procédure, de se retrouver devant un juge pour régler amiablement tout ou partie de leur litige, ce que certains auteurs analysent en un « temps procédural de conciliation entre les parties »[2].

La possibilité de recourir à une ARA est limitée aux affaires relevant de la procédure écrite ordinaire et aux référés relevant de la compétence du président du tribunal judiciaire ou du juge des contentieux de la protection. Seules sont concernées les instances portant sur des droits dont les parties ont la libre disposition.

Le juge saisi du litige va, à la demande de l’une des parties ou d’office après avoir recueilli leur avis, décider de les convoquer à une ARA. Cette audience sera menée, dans un souci d’impartialité, par un juge étranger à la formation de jugement. Cette décision est une mesure d’administration judiciaire qui, sans dessaisir le juge la prononçant, provoque une interruption de l’instance. Il incombe au juge de veiller à ce que cette décision d’orientation n’emporte pas un rallongement excessif de la durée de la procédure.

Les parties sont convoquées à l’ARA à la diligence du greffe de la formation saisie. La convocation précise que les parties doivent comparaître en personne, assistées, lorsque le litige impose la représentation obligatoire, de leur avocat. La durée de l’ARA préconisée par la circulaire est d’une journée[3]. L’audience se tient en chambre du conseil, hors la présence du greffier.

L’ARA offre au juge conciliateur un rôle central. Il va pouvoir mêler les techniques de conciliation et de médiation (et aller au-delà), aménager le contradictoire, prendre connaissance des conclusions et pièces échangées et rappeler aux parties les grands principes de droit applicables au litige.

Le succès de la procédure est notamment garanti par la confidentialité : les éléments recueillis lors de l’ARA ne peuvent être utilisés dans le cadre de la procédure contentieuse. La confidentialité peut être levée par l’accord des parties. En outre, il est fait exception à la confidentialité pour protéger l’ordre public ou assurer la mise en œuvre et l’exécution de l’accord.

A l’issue de l’audience, les parties peuvent demander au juge conciliateur, assisté du greffier, de constater leur accord, même partiel, consigné dans un procès-verbal qui constitue un titre exécutoire. Le juge conciliateur informe le juge prescripteur de la fin de l’ARA et lui remet, s’il y a lieu, le procès-verbal d’accord. 

  • La césure  

La césure est introduite au sein des dispositions relatives à la procédure écrite ordinaire devant le tribunal judiciaire, aux articles 807-1 et suivants du Code de procédure civile.

La césure permet au juge « de ne statuer que sur les questions de principe (validité du titre, bien-fondé de la demande, …) et de renvoyer les parties vers la médiation, la conciliation ou la procédure participative pour convenir des mesures qui en découlent, qu’elles soient de réparation ou d’indemnisation »[4].

La césure est à l’initiative des parties. Pour la mettre en œuvre, celles-ci doivent, ensemble, demander au juge de la mise en état par des conclusions qui lui sont spécialement adressées, et soutenues par un acte de procédure contresigné par leurs avocats, de trancher les prétentions qui lui sont soumises.

Les parties doivent donc au préalable déterminer les prétentions sur lesquelles elles sollicitent un jugement partiel. La césure implique ainsi une séparabilité des prétentions. Le jugement partiel rendu devra être totalement indépendant du reste de la matière litigieuse.

Le juge de la mise en état saisi d’une demande de césure ordonne la clôture partielle aux fins de césure, qui constitue une mesure d’administration judiciaire. La mise en état est poursuivie pour le reste des prétentions. Si la demande de césure est rejetée, la procédure reprend son cours devant le juge de la mise en état. L’ordonnance de clôture partielle peut faire l’objet d’une révocation.

Le jugement partiel est rendu à l’issue d’une audience de plaidoirie. L’exécution provisoire n’est pas de droit mais peut être ordonnée, dans les conditions de droit commun, par le tribunal.

Le jugement partiel peut faire l’objet d’un appel immédiat, selon la procédure à bref délai. Cet appel n’emporte pas interruption du délai de péremption, afin de permettre la poursuite de la mise en état sur les autres prétentions.  

***

Si ces innovations sont bienvenues, elles n’en demeurent pas moins critiquables.

D’une part, l’ARA implique l’intervention d’un magistrat supplémentaire à une époque où les difficultés de recrutement dans la profession ne sont plus à présenter. Pour pallier cette difficulté, l’Ordre des avocats de Paris propose de recourir aux avocats qui « semblent d’ailleurs plus à même d’encadrer le règlement amiable des différends, certains d’entre eux ayant d’ailleurs fait de l’amiable un volet à part entière de leur activité professionnelle »[5]. D’autre part, la césure n’apparaît pas pour certains être un mode amiable de règlement, dès lors que « […] en l’état actuel des textes, il se pourrait que l’amiable n’intervienne jamais. […] Dans ces conditions, on voit mal comment la césure permettra de traiter « deux fois plus de contentieux, en deux fois moins de temps », comme l’a annoncé le ministre de la Justice »[6].


[1] Discours du Garde des Sceaux, « Présentation à la presse du Plan d’action issu des Etats Généraux de la Justice », 5 janvier 2023.

[2] F. EUDIER, « Césure et audience de règlement amiable dans le cadre du procès civil », AJ Famille 2023, p. 188.

[3] Circulaire n°C3/202330001121 du 17 octobre 2023, Fiche 1, §3.1, p. 8.

[4] F. AGOSTINI et N. MOLFESSIS, « Amélioration et simplification de la procédure civile », Chantiers de la justice, janv. 2018, Ministère de la justice, p.26.

[5] C. BUTRUILLE-CARDEW et P. SIMO, « La césure du procès civil et l’audience de règlement amiable », Ordre des avocats de Paris, 7 mars 2023.

[6] G. MAUGAIN, « Audience de règlement amiable et césure du procès : entre conviction et déception », Dalloz Actualité, 18 septembre 2023.