Panneaux photovoltaïques et préjudice direct
Financement de panneaux photovoltaïques et escroquerie : éclairage sur la notion de préjudice direct dans le cadre de l’action civile
La vente et le financement de matériels dans le domaine des énergies renouvelables (“ENR”), notamment de panneaux photovoltaïques, est la source d’un contentieux important, essentiellement devant les juridictions civiles. Mais ce contentieux se développe également de plus en plus devant les juridictions pénales et l’arrêt rendu le 5 mai 2021 en donne une illustration.
Dans cette affaire, un établissement de crédit avait déposé plainte et s’était constitué partie civile du chef d’escroquerie en faisant valoir qu’il avait financé l’acquisition de panneaux solaires par des clients d’une société installatrice qui lui avaient ensuite adressé des réclamations en indiquant que le matériel acheté n’avait en réalité pas été livré, bien que la société lui eût transmis des attestations de livraison. A l’issue de l’information judiciaire, le Directeur commercial de la Société venderesse a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d’escroquerie pour avoir, par des manœuvres frauduleuses, en présentant à l’établissement de crédit des demandes de déblocage de fonds comportant notamment des faux bons de livraison d’installation et des fausses factures, trompé celui-ci afin de le déterminer à lui verser les financements correspondants aux installations promises à ses clients. Les juges du fond sont entrés en voie de condamnation et l’ont condamné à indemniser certaines parties civiles.
L’arrêt rendu par la Chambre criminelle se distingue surtout par l’éclairage qu’il apporte concernant l’exercice de l’action civile.
En effet, le prévenu faisait grief au Juge du fond d’avoir déclaré recevables et bien fondées les constitutions de partie civile de différents clients emprunteurs, qui s’étaient ainsi vu octroyer des dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices matériel et moral.
La Haute juridiction a cassé la décision rendue par la Cour d’appel sur ce point. Pour ce faire, elle rappelle que selon les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, seul le préjudice découlant directement des faits objets de la poursuite peut donner lieu à indemnisation. Or, selon la Chambre criminelle, en octroyant des dommages et intérêts aux parties civiles visées “alors que l’escroquerie consistant à se faire remettre par l’établissement de crédit, au moyen de manœuvres frauduleuses, le montant des crédits à la consommation accordés aux clients de la société installatrice, bien que le matériel commandé par ceux-ci n'ait pas été installé ou même livré, n'a causé un préjudice direct qu'à la société ayant versé les fonds, et que les préjudices invoqués par les parties civiles ne prennent pas leur source dans ce versement, mais dans l'inexécution par la société de ses obligations contractuelles à leur égard, la Cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus rappelé.
Ce faisant, la Chambre criminelle fait droit au moyen de cassation qui soulignait qu’il résultait de la prévention que les faits d’escroquerie ont été commis au préjudice du seul établissement de crédit, à qui le prévenu présentait des faux bons de livraison et fausses factures afin de le déterminer à verser des financements correspondants aux installations promises à ses clients et qu’ainsi, le préjudice de ceux-ci résultant de l'absence d'installation des panneaux photovoltaïques et de l’absence de versement de la subvention « énergie renouvelable », était indirect au sens de l'article 2 du Code de procédure pénale.
Cour de cassation, chambre criminelle, 5 mai 2021, pourvoi n° 20-82.447