La potestativité du congé
Lorsque le congé est donné par courrier recommandé, à partir de quand est-il valablement notifié au sens de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ?
La Cour de cassation, gardienne du droit, veille au respect des textes même si le destinataire du congé se crée un droit potestatif en n’allant pas retirer le courrier recommandé à la poste. En effet, lorsque le congé est notifié par lettre recommandée, le délai de préavis ne court qu’à compter du jour de la réception du congé par le destinataire (Cass. 3e civ, 7 mai 2025, n° 23-13.151).
Rappel des faits et de la procédure :
Un locataire a fait délivrer à sa bailleresse un congé avec un préavis de 1 mois des lieux loués par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 juin 2019. Ledit courrier est revenu avec la mention « pli avisé et non réclamé ». La bailleresse a fait valoir qu’elle n’avait pas pu retirer le courrier parce qu’elle était à l’étranger. Mais cette dernière a adressé au locataire ainsi qu’aux deux cautions des correspondances envoyées par lettre recommandé le 15 puis le 26 juin 2019 qui comportait expressément la mention de sa résidence habituelle en France, ce qui attestait bien de sa présence à son adresse.
Au demeurant, les deux cautions avaient adressé au bailleur une lettre suivie doublée d’une lettre recommandée contenant une copie du congé. La lettre suivie ayant été déposée dans la boîte aux lettre du bailleur le 1e juillet 2019, la Cour d’appel a considéré que le délai de préavis applicable au congé avait commencé à courir à cette date (CA VERSAILLES, 1e ch, 2e sect, 10 janvier 2023, n° 21/05387).
La Cour d’appel est sèchement censurée en ces termes « en statuant ainsi, sans constater que la bailleresse avait signé un avis de réception d’une lettre recommandée contenant un congé ou que le congé lui avait été remis en main propre, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
Analyse de la solution de la Cour de cassation
La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 qui dispose « le congé dans être notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, signifié par acte de commissaire de justice ou remis en main propre contre récépissé ou émargement ».
En pratique, le locataire donne rarement congé par acte de commissaire de justice, car il est plus simple et moins onéreux soit d’adresser un courrier recommandé, soit de remettre le congé en mains propres contre récépissé ou émargement.
Cependant, contrairement à la remise en mains propres ou à l’acte de commissaire de justice, la lettre recommandée n’offre pas la même sécurité juridique, car elle laisse planer un doute sur le point de départ du délai de préavis.
Tant que le courrier n’a pas été effectivement réceptionné par le bailleur, ce qui suppose une remise en mains propres, la jurisprudence considère que le délai n’a pas commencé à courir.
La règle du congé par courrier recommandée réputé notifié lorsque l’accusé de réception a été signé peut constituer une prime à la mauvaise foi pour celui qui tarde à retirer le courrier à la poste pour en tirer profit.
On songe au bailleur avec un congé qui se révélera tardif, parce qu’il a été réceptionné par le locataire après l’expiration du délai de préavis : le bail sera reconduit tacitement. On songe au locataire qui paiera quelques mois supplémentaires tant que le bailleur n’aura pas réceptionné son congé.
Les tribunaux ont tenté d’assouplir, en vain, ce droit potestatif.
La décision commentée s’inscrit dans le prolongement d’un arrêt de la Cour de cassation qui avait cassé pour violation de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 un jugement ayant décidé que le bailleur n’étant jamais allé récupérer le courrier recommandé, il fallait considérer que le délai de préavis avait commencé à courir à la date du retour du courrier de l’expéditeur (Cass. 3e civ, 24 septembre 2020, n° 19-16.838).
Bien que légalement admis, le congé donné par courrier recommandé reste précaire, car son destinataire se crée un droit potestatif, devra-t-on désormais donner congé par commissaire de justice ou par la remise en mains propres pour plus de sécurité ?
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