RGPD : le droit à l’oubli peut s’effacer devant la liberté d’expression

En 2009, le journal 20 Minutes a publié un article relatant la condamnation d’un ancien président d'un club de football, pour complicité d'abus de confiance et recel. Bien que cette condamnation ait été partiellement infirmée en appel en 2011, l'article est resté accessible en ligne.

En 2019, le président du club a mis en demeure le journal de supprimer ou d'anonymiser cet article. Son objectif était que l’article ne soit plus indexé par les moteurs de recherche, ou rattaché à son nom. En réponse à cette mise en demeure, la société 20 Minutes a simplement mis à jour l'article pour refléter la décision d'appel, sans procéder à sa suppression ni à son anonymisation.

Insatisfait de cette réponse, l’ancien président a assigné le journal sur le fondement des articles 17 et 21 du Règlement général sur la protection des données (RGPD), qui permettent respectivement à la personne concernée par un traitement de données personnelles de demander l’effacement des données ou de s’opposer au traitement.

L’affaire est finalement jugée par la Cour d’Appel de Paris, qui dans son arrêt du 20 février 2025, a confirmé le jugement de première instance en rejetant les demandes. La Cour a estimé que 20 Minutes pouvait se prévaloir de la liberté d'expression et d'information, rendant inapplicables en l'espèce les droits à l'effacement et d'opposition. Elle souligne que la dérogation au droit à l'oubli pour les organes de presse n'est pas absolue, mais que, dans ce cas précis, la persistance de l'article était justifiée par la nécessité d'informer le public sur des faits concernant une personnalité publique impliquée dans des affaires d'intérêt général.

La balance entre droit à l’effacement et liberté d’expression opérée par la Cour ressort clairement de l’arrêt, très étayé. Ainsi, quand le président de club argue du temps écoulé depuis sa condamnation, la Cour estime que « le souhait du monde sportif de rendre celui-ci “propre” maintient une actualité évidente pour cette condamnation et participe encore aujourd’hui de la liberté d’expression et d’information ». Le statut public de la personne, « ayant eu un rôle d’une certaine importance à la fois dans le domaine de la politique et dans celui du sport », joue également un rôle dans l’intérêt de cette information. Le juge estime enfin que le condamné ne démontre pas en quoi le maintien en ligne de cet article lui cause un préjudice disproportionné.

Cette solution n’est pas nouvelle : par exemple, déjà en 2018, la Cour Européenne des Droits de l’Homme jugeait que, lors de la relation de condamnations par les médias, le droit à l’effacement issu du RGPD pouvait s’effacer devant l’importance de la liberté d’expression et du débat public (CEDH, 28 juin 2018, n° 60798/10 et 65599/10.)

A l’inverse, le Conseil d’Etat a plusieurs fois considéré que les informations révélées, qui n’étaient pas utiles à l’information du public, pouvaient faire l’objet d’un effacement ou d’un déréférencement (CE, 06/12/2019, 395335 ; CE, 06/12/2019, 393769).

Ainsi, si le droit à l’effacement peut permettre le contrôle de l’image et de la réputation en ligne, son application ne doit pas être considérée comme automatique.

Le département Contrats informatiques, données & conformité peut vous accompagner dans la gestion de vos données personnelles et de votre réputation en ligne.

Pour toute question, n’hésitez pas à nous contacter.

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