« Eviter l’échec du projet informatique » #3 : le contract management

Le Cabinet Cloix Mendès-Gil offre en collaboration avec Abilways, une formation certifiante sur le contract management du 24 au 26 mai 2023. Cette formation est destinée aux professionnels qui cherchent à renforcer leurs compétences dans ce domaine en évolution rapide. A noter que cette formation sera également mise en œuvre en octobre et novembre 2023.

En lien avec cette formation, le Cabinet présente ce mois-ci son troisième article du cycle « éviter l’échec du projet informatique ». Après avoir abordé successivement l’encadrement du projet par les négociations et les outils juridiques a exploiter dans le cadre des projets, Il met en avant l'importance du contract management, une démarche clé pour la réussite de tout projet.

Le contract management est un processus efficace pour prévenir les échecs dans les projets d'intégration informatique. Il permet de réduire les risques juridiques et financiers tout en garantissant une exécution réussie des projets[1].

Ce processus englobe la gestion d'un contrat depuis sa conception jusqu'à son exécution, incluant également la phase de négociation.

Le contract management s'appuie sur quatre piliers essentiels : la gestion administrative du contrat, la gestion des relations entre les parties, la gestion des réclamations et l'évaluation des performances.

Cet article explore comment le contract management peut contribuer à éviter les échecs de projets d'intégration informatique en se focalisant sur chacun de ces piliers.

1.    La gestion administrative du contrat

Le contrat représente le cadre juridique des obligations mutuelles convenues entre les parties. Il constitue le premier référentiel sur la base duquel les projets doivent être mis en œuvre, car il est la loi des parties[2].

Cependant, les contrats peuvent présenter trois problèmes : 1) leur longueur excessive ; 2) leur ambiguïté ; 3) leur caractère non exhaustif, étant donné que le projet évolue au fil des relations entre les parties.

Un contrat trop long peut entraîner l'oubli de certaines conditions en cours d'exécution et nécessiter un effort considérable pour examiner toutes les clauses et évaluer les risques.

La détection des ambiguïtés d'un contrat n'est pas toujours évidente sans l'aide d'un juriste. Parfois, un problème survenant au cours du projet révèle l'ambiguïté d'une clause ou d'une disposition. Lorsque l'ambiguïté est détectée au moment de la conclusion du contrat, il est important de de proposer des solutions pour éviter les obstacles qu'elle risque d’engendrer.

En ce qui concerne le caractère non exhaustif du contrat, les parties peuvent s'en rendre compte dès la signature ou uniquement en cas de problème.

Pour ces raisons, il est essentiel de mettre en place une gestion administrative des contrats. Cette mission est généralement confiée au contract manager.

En examinant attentivement le contrat, le contract manager pourra par exemple élaborer une matrice de responsabilité, absente du contrat initial, pour clarifier le rôle précis de chaque partie. Ainsi, les membres des équipes de projet, notamment le chef de projet, pourront évaluer l'implication des parties dans leur rôle et ajuster les outils de gestion en conséquence. Par exemple, une ingérence excessive d'un assistant à maîtrise d'ouvrage dans le rôle du prestataire sera rapidement interrompue par le client et le prestataire.

Grâce à sa gestion administrative des contrats, le contract manager peut limiter de nombreux risques et prévenir l'échec d'un projet.

2.    La gestion des relations avec les parties concernées

Le contract manager peut contribuer à éviter l'échec du projet en jouant un rôle central dans la communication entre les parties. Il favorise une communication transparente générale, la communication lors de la gestion des changements, et la négociation en tenant compte des différents leviers commerciaux.

2.1.  La communication transparente

La communication est essentielle au succès d'un projet. Cependant, elle n'est pas toujours mise en œuvre de manière efficace.

Les parties peuvent craindre les conséquences juridiques de partager des informations négatives, comme dans cette situation où, au lieu de souligner à son client que le projet allait subir quelques jours de retard par la faute d’un sous-traitant, le prestataire garda pour lui cette information jusqu’au dernier moment de peur que cette information soit ensuite utilisée juridiquement contre lui.

Il est pourtant crucial dans le cadre d’un projet d’intégration informatique dans lequel la coopération des parties est si fondamentale, de communiquer ouvertement sur les risques et les problèmes, car cela permet de les anticiper et de les gérer de manière appropriée.

2.2.  La communication du changement

Lorsqu'un changement est proposé, la communication entre les parties doit être prudente et transparente. Les changements peuvent déstabiliser le contrôle du projet.

John Kotter[3], Pr. à la Harvard Business School, identifie, notamment six[4] erreurs courantes suivantes dans les tentatives de changement :

  • trop de complaisance : les équipes projets doivent ressentir un sentiment d’urgence suffisant pour s’adapter au changement ;
  • la création d’une coalition dirigeante pas assez puissante : l’équipe projet doit être engagée par des personnes influentes dans le changement ;
  • sous-estimer le pouvoir de la vision : la vision doit être claire, significative pour orienter, aligner et inspirer les actions des équipes projets lors d’un changement ;
  • sous communiquer la vision : pour que l’équipe respecte la vision il doivent être convaincus que les avantages potentiels, explique Kotter, soit attrayants et que la transformation est possible ;
  • laisser des obstacles entraver la nouvelle vision : les initatives de changement échouent souvent lorsque les équipes se sentent désarmées face à des obstacles importants, même s’ils adhérent à cette nouvelle vision ;
  • ne pas créer des victoires à court terme : pour éviter les ruptures de changements des objectifs doivent être clairement définit.

En tenant compte de ces erreurs courantes de communication dans la gestion du changement, le contract manager peut les éviter en mettant en place les mesures appropriées, en priorisant les changements en fonction des objectifs initiaux du contrat, en concevant les moyens les plus efficaces pour mettre en œuvre le changement, en communiquant clairement les objectifs du contrat (la vision) et en gérant les obstacles.

Tout ceci participera alors à éviter l’échec du projet.

2.3.  La communication de négociation des leviers commerciaux

Les leviers commerciaux permettent aux parties d'augmenter la valeur ajoutée de leur relation et de solidifier la relation, ce qui empêche les échecs.

Ces leviers sont souvent dissimulés derrière les obligations contractuelles. L'obligation de conseil du prestataire, par exemple, peut être exploitée comme un levier commercial important, tout comme le refus contractualisé de l'éditeur de laisser un tiers corriger les erreurs de sa solution.

Le contract manager doit donc être attentif aux leviers commerciaux et les utiliser pour faciliter la négociation et améliorer les relations entre les parties, contribuant ainsi à éviter l'échec du projet.

3. La gestion des réclamations

Il arrive fréquemment que des réclamations de clients ne reçoivent pas de réponse officielle. Les équipes projets, occupées à gérer le projet, n'ont pas toujours le temps de rédiger une réponse précise. Elles préfèrent proposer des solutions opérationnelles lors des comités de suivi.

Cependant, cette situation peut être juridiquement risquée, car les courriers sont généralement transmis par la direction, qui a souvent des objectifs différents des équipes projets. La direction peut viser la sécurité juridique de l'entreprise, et les enjeux stratégiques et politiques peuvent également entrer en jeu.

L'absence de réponse peut donc entraîner une frustration importante et un sentiment d'absence de prise en considération, pouvant mener à l'échec du projet, et ce même si le problème a été résolu opérationnellement.

C'est pourquoi il est essentiel de répondre aux courriers reçus. Le contract manager, dans ce contexte, prendra le temps d'apporter une réponse adaptée en collaboration avec l'équipe de direction du prestataire. Il se référera au contrat et proposera des solutions de remédiation élaborées avec l'équipe projet.

La gestion des réclamations par le contract manager contribue ainsi également à éviter les échecs de projet.

4. L'évaluation de la performance

Il existe deux approches principales pour examiner les erreurs humaines, décrites notamment par James Reason[5] :

  • d'une part, l'approche individuelle se concentre sur les actes dangereux commis par les individus, tels que les erreurs et les violations de procédures. Cette approche considère que les erreurs résultent principalement de processus mentaux défaillants. Les contre-mesures visent alors à réduire la variabilité indésirable du comportement humain ;
  • d'autre part, l'approche systémique admet que les humains sont faillibles et que les erreurs sont inévitables. Les erreurs sont perçues comme des conséquences et non des causes, ayant leur origine dans des facteurs systémiques. Les contre-mesures se basent sur l'idée qu'il est impossible de changer la condition humaine, mais qu'il est possible d'améliorer les conditions de travail.

Selon James Reason, les organisations doivent mettre en place des systèmes résilients en anticipant le pire et en se préparant à y faire face à tous les niveaux de l'organisation. James Reason indique que la culture organisationnelle joue un rôle crucial en maintenant une vigilance constante sur la possibilité d'échec.

Dans cette perspective, il estime que la meilleure stratégie pour gérer les erreurs consiste à se concentrer sur le contrôle de leurs conséquences plutôt que sur leur élimination.

Si l'on suit cette logique, la phase d'évaluation des performances est fondamentale pour éviter les échecs de projet. En exploitant la documentation du projet[6], le contract manager peut identifier les erreurs commises et leurs conséquences. Ce retour d'expérience contribue non seulement à se souvenir des difficultés rencontrées, mais surtout à mettre à jour les processus de gestion de projet pour combler les lacunes et empêcher les erreurs d'entraîner l'échec d'un projet.

Par exemple, la phase de conception peut donner lieu à de nombreuses incompréhensions sur l'expression des besoins du client.

Même après validation de la conception, ces incompréhensions peuvent conduire à des développements que le client juge inadaptés. Pour éviter cela, la phase d'évaluation des performances doit mettre en place un nouveau processus postérieur à la phase de conception, permettant d'identifier les besoins divergents et d'éviter les développements inappropriés. Les méthodes agiles partielles, notamment la méthode Scrum, peuvent être une solution adaptée à ce type de problème, car elles permettent de faire valider chaque élément à concevoir par le client.

Dès lors qu’une solution a été trouvée, il conviendra de la contractualiser avec les futurs clients donc de réfléchir à la manière la plus adaptée de le faire.

Le contract manager peut donc éviter les dérives des projets informatiques et à terme leur échec.

Dans le cadre du cycle sur les moyens d’éviter l’échec du projet informatique qui est en cours, nous aborderons les thèmes suivants :

  • #4 l’exposition d’une méthodologie de projet adapté à la collaboration avec le client : la méthode agile ;
  • #5  les outils pour éviter le contentieux ;
  • #6  les moyens de mener son contentieux ;
  • #7  les typologies d’expertises.

Pour toute question, n’hésitez pas à nous contacter.


[1] G. Leveau, Pratique du contract management, éd. Gualino Eds, 2019, 3ème éd.

[2] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032040777

[3] J. P. Kotter, Leading Change, Harvard Business review Press, 2012, chap. The Change Problem and its Solution.

[4] Kotter présente huit erreurs courantes dans cet ouvrage, nous ne présenteront que les six que nous estimons utiles à la gestion de projet informatique.

[5] J. Reason, « Human error : Models and Management », BMU, vol. 320, n°7237, mars. 2000, pp. 768-770.

[6] Le contract manager a pour mission de constituer un référentiel d’événéments projet pour l’entreprise. Il constitue de nombreux outils permettant de suivre et contrôler l’exécution du projet conformément au contrat. Ce faisant, il documente les événements et leur résolution en listant les risques, évaluant les leviers commerciaux, proposant des solutions aux problémes…