Référencement : la suppression d’un compte client « pour raisons légales » n’est pas abusive
Pour beaucoup de sociétés proposant leurs services en ligne, leur référencement sur les moteurs de recherche comme Google est une question cruciale. Il leur est difficile, voire impossible, de se faire connaître de leur potentielle clientèle sans figurer en bonne position dans la très convoitée première page des résultats de recherche.
Les sociétés exploitant le site « cartegrisefrance.fr », dédié aux démarches d'obtention sur internet de certificats d'immatriculation, étaient conscientes de cette réalité. Elles avaient souscrit en 2013 un contrat auprès de Google Ireland pour le référencement payant de leur site, via le service Google Ads.
Un litige émerge toutefois en 2017, lorsque Google est contactée par le secrétariat d’Etat chargé du Numérique, qui l’informe que les services proposés par ce site seraient illicites – faute d’habilitation par le ministère de l’intérieur à délivrer des demandes de certificat d’immatriculation. Google suspend alors immédiatement le compte Google Ads lié au site, et met donc fin aux services de référencement. Elle base cette décision sur l’article 13 de ses conditions générales intégrées au contrat : « Google peut suspendre la participation du client aux programmes à tout moment, par exemple en cas de problème de paiement, de manquements suspectés ou avérés aux politiques ou aux présentes Conditions ou pour raisons légales ».
Les sociétés exploitantes du site ont assigné Google, arguant du caractère abusif de cette clause. Google, en première instance comme en cause d’appel, répliquera en défense que ladite stipulation ne constitue qu’un rappel contractuel des obligations qui lui incombent en tant qu’hébergeur.
L’affaire est définitivement tranchée par la chambre commerciale de la Cour de Cassation dans son arrêt du 4 septembre 2024 (n° 22-12.321).
Au soutien de leur premier moyen, les demanderesses invoquent ainsi l’article L.442-6 du Code de commerce qu’aurait méconnu le juge d’appel. Dans sa version en vigueur de 2016 à 2019, cet article interdisait en effet notamment à un commerçant de « soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
Cependant, la Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel. Elle rappelle que les fournisseurs de services d’hébergement de contenus en ligne, définition à laquelle répond Google Ads, sont soumis aux dispositions de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Selon cette dernière, les hébergeurs sont donc soumis à « l'obligation légale d'agir promptement pour retirer des données dont ils connaissent le caractère illicite ou pour en rendre l'accès impossible et engagent leur responsabilité en cas de manquement à cette obligation. »
En conséquence, la contractualisation puis l’usage d’une clause visant à mettre en œuvre cette obligation légale ne saurait être considérée comme abusive. D’autant plus, comme le note la Cour dans son examen du second moyen, lorsque la requérante se trouve effectivement en situation d’illicéité et que la mesure de suppression est justifiée…
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