Les darks patterns poursuivis par l’UFC-Que Choisir
Si quelqu’un doutait des risques qu’entraînent certains dispositifs mis en place par les places de marchés, il sera désormais persuadé par l’étude sur les dark patterns de l’Union fédérale des consommateurs Que choisir que ces risques existent.
Le monde des places de marché numériques développe des dispositifs marketings qui sont parfois utiles aux consommateurs, mais qui virent aussi à la mise en œuvre de manipulations excessives de l’inconscient. En effet, « alors que les consommateurs s'efforcent généralement de prendre des décisions d'achat éclairées, leur temps et leur capacité de discernement sont limités. Ils peuvent donc se fier à des stratégies euristiques ou à des expériences passées pour prendre leurs décisions [1]». L’exploitation de ces biais cognitifs par les places de marchés pour influencer le choix des consommateurs relève d’une pratique commerciale déloyale que l’on nomme dark patterns.
Plusieurs articles législatifs français tentent de protéger le consommateur contre ces procédés en les interdisant :
- l’article L. 121-1 du Code de la consommation qui qualifie de pratique commerciale déloyale celle qui est contraire aux exigences de diligence professionnelle et qui altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service ;
- l’article 25 du Digital services act, texte qui a notamment pour objectif de mieux protéger les internautes européens et leur droit fondamentaux, dispose que les fournisseurs de plateforme en ligne ne conçoivent, n’organisent ni n’exploitent leurs interfaces en ligne de façon à tromper ou à manipuler les destinataire de leur service ou de toute autre façon propre à altérer ou à entraver substantiellement la capacité des destinataires de leur service à prendre des décisions libres et éclairées ;
- l’article 5 de l’IA Act qui interdit la mise sur le marché, la mise en service ou l’utilisation d’un système d’intelligence artificielle qui déploie des techniques subliminales au-delà de la conscience d’une personne ou des techniques délibérément manipulatrices ou trompeuses, ayant pour objectif ou pour effet de fausser sensiblement le comportement d’une personne ou d’un groupe de personnes en altérant de manière appréciable leur capacité à prendre une décision en connaissance de cause, les amenant ainsi à prendre une décision qu’elles n’auraient pas prise autrement, d’une manière qui cause ou est raisonnablement susceptible de causer à cette personne, à une autre personne, ou à un groupe de personne, un préjudice important.
Sur la base de cette vision juridique, et surtout de l’article 25 du DSA, l’UFC-Que Choisir a identifié concrètement ce que revêtait aujourd’hui ces concepts juridiques dans une étude très précise publiée le 20 juin 2024.
Elle souligne que bien qu’interdite par le législateur l’ensemble des places de marchés étudiées[2] contiennent des dark patterns.
En outre, elle classe les dark patterns identifiés en deux catégories :
- les dark patterns qui poussent les consommateurs à l’achat (rendre difficile l’interruption d’un achat, l’incitation répétitive, les coûts cachés et les prix cloisonnés, prix barrés potentiellement trompeurs, les messages de temps limité, les messages de stock limité, les message de preuve sociale, la publicité masquée, la ludification pour gagner des points ou des promotions à utiliser pour les achats) ;
- les dark patterns qui poussent les consommateurs à consentir l’accès à des données personnelles (manipulations visuelles, sludges[3], manipulation textuelle, présélection, obligation de créer un compte client, rendre la suppression du compte excessivement difficile),
Cette étude est utile car elle permet de mieux appréhender ces notions juridiques qui parfois peuvent être approximative pour les services marketing des entreprises. Elle peut également être utilisée dans le cadre d’une action en justice si un prestataire développeur d’une boutique en ligne commandé par un client, a mis en place des dispositifs qui revêtent une telle qualification sans que le client ne soit informé des risques juridiques de tels dispositifs.
Rappelons qu’en cas de non-respect du DSA des astreintes et sanctions peuvent être prononcées, allant pour les très grandes plateformes jusqu’à 6% de leur chiffre d’affaires mondial.
Il est à noter que l’UFC a saisi la DGCCRF et la Commission européenne pour les alerter sur les dérives des professionnels, initier des enquêtes complémentaires et sanctionner ces pratiques afin d’assurer le strict respect de l’interdiction des dark patterns.
Une étude a également été réalisé par le réseau d’organisme agissant pour la protection de la vie privée au sein des pays membres de l’OCDE (Global Privacy Enforcement Network) qui a examiné 1 010 sites web et applications mobiles qui tirent des conclusions similaires[4].
Le département Contrats informatiques, données & conformité peut vous accompagner dans la gestion et la mise en place de la réglementation si vous souhaitez mettre en place une marketplace, sans dark patterns.
[1] Étude, Dark Patterns dans l’E-Commerce – les interfaces tropeuses sur les places de marché en ligne, UFC-Que Choisir, juin 2024, p. 3.
[2] L’UFC-Que Choisir a analysé les sites web et applications mobiles des 20 principales places de marché en France, selon les classements de la Fevad et de Similarweb : Airbnb, AliExpress, Amazon, Booking.com, Carrefour, Cdiscount, Decathlon, E.Leclerc, eBay, eDreams, Expedia, Fnac, Leboncoin, Leroy Merlin, ManoMano, Rakuten France, SHEIN, Temu, Veepee, Vinted. Baromètre de l’audience du e-commerce : 3ème trimestre 2023, Fevad, 2023 ; Classement des sites les plus populaires : Sites web « Marketplace » et « Accomodation & Hotels » les plus consultés en France, Similarweb, 2023.
[3] Incitation douce à faire ce qui ne va pas dans son intérêt. L’interface est ainsi conçu pour créer des obstacles excessive ou injustifiés qui empêcher les consommateurs de réaliser leurs choix ou pour supprimer les frictions qui pourraient les empêcher de prendre par inadvertance une décision non souhaitée
[4] Design trompeur : les résultats de l’audit du Global Privacy Enforcement Network | CNIL.