Marchés publics

Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique : quel impact sur la commande publique ?

Le 10 février 2021, le Premier Ministre a présenté au Conseil des ministres un projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

L’article 15 du projet, dédié aux marchés publics, concrétise une mesure proposée par la Convention citoyenne pour le climat visant à « renforcer les clauses environnementales dans les marchés publics » (proposition PT7.1, lien).

Modifiant certaines dispositions du Code de la commande publique, l’article 15 impose aux acheteurs publics de prendre en compte, dans les marchés publics, les considérations liées aux aspects environnementaux des travaux, services ou fournitures achetés, dans leur attribution et leur exécution. A ce stade, les contrats de concession et les marchés de défense ou de sécurité sont exclus du dispositif.

Le projet de loi prévoit que l’insertion dans les marchés publics de clauses faisant référence à l’aspect environnemental des prestations, qui n’est actuellement qu’une faculté offerte à l’acheteur public, serait rendue obligatoire, par exemple par des spécifications techniques ou des conditions d’exécution particulières (modification du second alinéa de l’article L. 2112-2 du CCP).

Le projet impose qu’au moins un des critères d’attribution du marché prenne en compte des « caractéristiques environnementales de l’offre » (modification du premier alinéa de l’article L. 2152-7 du CCP). Cette prise en compte de considérations environnementales dans le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse impliquerait ainsi l’impossibilité de recourir au critère unique du prix.

Le Conseil d’État a rendu, le 4 février 2021, un avis favorable sur ce projet de loi.

Pour le Conseil d’État, l’obligation imposée par la modification de l’article L. 2112-2, « alors que la prise en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations demeure facultative, ne crée pas de hiérarchie entre ces différentes considérations ni n’instaure une prééminence de celles tirées de la protection de l’environnement sur les autres ». Cette obligation permet de préserver « au même titre » que celles environnementales, les considérations précitées, notamment sociales ou économiques.

S’agissant des modifications de l’article L. 2152-7, le Conseil d’État souligne qu’elles « ne sauraient avoir pour effet de déroger à l’exigence du choix de l’offre économiquement la plus avantageuse ni à la condition que les critères d’attribution soient objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, le respect de ces règles étant imposé par les directives européennes […] et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ».

Si le Conseil d’État ne relève aucune « objection d’ordre juridique » à l’exclusion des marchés de défense ou de sécurité, l’exclusion des contrats de concession « soulève plus d’interrogations en termes d’opportunité et de cohérence ». Il estime qu’il serait préférable d’étendre ces obligations aux concessions, qui sont fréquemment passées « dans des secteurs, tels ceux du transport ou de l’assainissement, où la prise en compte des considérations environnementales est particulièrement pertinente ». Le Conseil d’État regrette que cette exclusion « a pour effet de ne pas appliquer les nouvelles obligations à des contrats dont un risque d’exploitation est certes transféré à l’opérateur économique, mais dont l’objet peut être similaire à celui de marchés publics qui, eux, y seront soumis ».

Il admet toutefois cette possibilité dans la mesure où, « le plus souvent, des réglementations particulières imposent le respect de l’environnement dans les secteurs précités et que la réforme pourra être étendue aux concessions après qu’en auront été mesurés les effets sur les marchés publics ». Le gouvernement est cependant invité à justifier cette exclusion, dont les incidences devraient être incluses dans l’étude d’impact du projet de loi.

Projet de loi n° 3875