Mobility as a Service : Comment distribuer des titres de transport ?

La loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019 (dite « LOM »), affiche d’importantes ambitions afin de préparer le terrain à la mobilité de demain.

Et cette mobilité aura un fort accent numérique. Il ne s’agit pas ici de déplacements virtuels (hello Web3 et Métavers !) mais de planification des déplacements.

Le constat est le suivant : pour effectuer un déplacement nécessitant plusieurs modes de transport (déplacement multimodal), l’identification du (ou des) meilleur(s) moyen(s) de locomotion peut être un processus fastidieux, nécessitant d’accéder à de nombreux sites Internet afin de connaître les possibilités offertes (quels transporteurs, quelles lignes, quels horaires…), les conditions d’achat des titres de transport (en ligne, en boutique, par SMS…) pour, enfin, convenir d’une stratégie de déplacement.

Dans certains cas, nous passons à côté de solutions simples, économiques et rapides (marche, bus…) ou privilégions la voiture faute de pouvoir identifier facilement de meilleurs moyens de transport.

Face à ce constat, la LOM a deux ambitions :

  • Mieux informer les individus sur les moyens de déplacements à leur disposition ;
  • Faciliter l’acquisition de titres de transports auprès de prestataires de mobilité différents.

Pour cela, la LOM contraint les autorités organisatrices de mobilité et leurs éventuels gestionnaires à ouvrir à des tiers leurs services d’information des voyageurs ainsi que leurs services numériques de vente.

L’échange d’information ne pose pas de grandes difficultés : il s’agit pour les gestionnaires de services de mobilité de mettre à disposition, de manière numérique via un point d’accès national (https://transport.data.gouv.fr), des informations sur les services qu’ils mettent en œuvre (itinéraires, horaires, accessibilité…).

Par ailleurs, cet échange d’information prévu par la LOM s’inscrit dans le prolongement du Règlement européen n°2017/1926 du 31 mai 2017.

En revanche, le législateur français fait preuve d’innovation en permettant à des tiers de délivrer via leur propre plateforme des services de mobilité, prérogative jalousement gardée par les gestionnaires de ces services ou les autorités organisatrices de la mobilité (dites « AOM »). Sous réserve de remplir certaines conditions (voir ci-après), le gestionnaire de services de mobilité ne peut pas refuser de permettre à des tiers de délivrer ses propres produits tarifaires (billets, réservations).

Cette possibilité peut être source d’inquiétude du côté des AOM et des gestionnaires de services de mobilité ou, à l’inverse, considérée comme une aubaine par les plateformes actuelles ou en devenir, qui s’imaginent déjà être LA plateforme de mobilité (imaginons Skyscanner, mais avec l’ensemble des services de mobilité disponibles en France, de la trottinette à l’avion en passant par les bus et les trains).

En tout état de cause, la réglementation prévoit que la délivrance de produits tarifaires par un tiers doit être encadrée par un contrat (dit « Contrat MaaS »). Les articles L.1115-10 et 11 du code des transports, ainsi que les dispositions réglementaires correspondantes, décrivent les points fondamentaux que le Contrat MaaS doit aborder.

Nous procéderons ici à une description des principaux points d’attention de cette réglementation.

Quels acteurs sont concernés ?

Aucune condition n’est imposée concernant la personne qui souhaite proposer à la vente les services de mobilité, à savoir le fournisseur de service numérique multimodal. Celui-ci doit simplement permettre « la vente de services de mobilité, de stationnement ou de services fournis par une centrale de réservation. » (L.1115-10 c.trans.).

En revanche, la réglementation ne s’applique pas à tous les gestionnaires de services de mobilité.

Pour qu’un tiers puisse le contraindre à lui permettre de distribuer ses services de mobilité, un gestionnaire de services doit satisfaire plusieurs critères cumulatifs.

Tout d’abord, le gestionnaire (ou la société qui le contrôle) doit réaliser un chiffre d’affaires supérieur à 5 millions d’euros.

Ensuite, le gestionnaire (ou la société qui le contrôle) doit exister depuis au moins 3 ans.

Ces deux critères visent à protéger des petites structures, jeunes et en développement.

Enfin, le gestionnaire doit lui-même déjà disposer d’un service numérique de vente. En effet, la délivrance s’effectue par l’intermédiaire d’un accès à ce service numérique de vente. Si le gestionnaire n’en a pas, il ne sera pas possible pour un fournisseur de service numérique multimodal de s’interfacer.

Quels services de mobilité peuvent être délivrés ?

La réglementation liste les services de mobilité que le fournisseur de service numérique multimodal peut exiger de délivrer via sa propre plateforme.

Il s’agit principalement des services de mobilité suivants (L.1115-11 c.trans.) :

  • Services publics, réguliers ou sur demande, de transport public de personne ;
  • Services de mobilités actives ;
  • Services de partage de véhicules ;
  • Services de stationnement ;
  • Services de partage de véhicule, cycles et engins non-fournis par une personne physique ;
  • Centrales de réservation (taxis et VTC) ;
  • Services de mise en relation facilitant le covoiturage.

Pour chaque catégorie de services, des critères plus précis peuvent s’appliquer. C’est pourquoi il est recommandé à tout gestionnaire de services de mobilité de déterminer en amont s’il propose des services entrant dans cette liste, afin de se préparer ou non à permettre à des tiers de les délivrer.

Pour précision, la réglementation impose deux principes :

  • Non-discrimination des offres privées : Le fournisseur sélectionne de manière non-discriminatoire les services dits « librement organisés » (sous certaines conditions) ainsi que les services de partage de véhicules, cycles et engins : pas de discrimination entre plusieurs gestionnaires de services équivalents.
  • Exhaustivité des offres publiques : Le fournisseur ne peut pas faire son choix parmi les services public gérés par des autorités organisatrices de mobilité (transport public de personne, mobilités actives et usage partagé) : il doit tous les proposer.

Le fournisseur de service numérique multimodal peut-il déterminer le prix des services qu’il délivre ?

La réponse est négative, sauf si le gestionnaire de services de mobilité donne son accord.

A défaut, le fournisseur doit se contenter de la simple délivrance, aux conditions tarifaires imposées par le gestionnaire de service de mobilité.

Quelles garanties pour le gestionnaire de services de mobilité ?

La réglementation prévoit que, si le fournisseur encaisse le produit des ventes des services (ce dont il s’induit qu’il ne s’agit pas d’une obligation), il doit justifier d’une garantie financière.

Cette garantie financière prend la forme d’une caution délivrée par un établissement bancaire et vise à couvrir la défaillance du fournisseur de services.

La réglementation n’évoque pas d’autres garanties. Il appartient donc au gestionnaire d’identifier les risques potentiels de cette activité et de les encadrer au sein du contrat MaaS.

Quelles données peuvent être échangées ?

Le fournisseur se situe tout au bout de la chaîne de vente du service de mobilité. Il collecte donc un grand nombre de données qui peuvent être soit utiles au gestionnaire (connaissance des services distribués à des fins d’amélioration), soit nécessaires à la réalisation de ses propres services (service après-vente).

Le gestionnaire et le fournisseur sont donc invités à préciser et à encadrer, au sein du Contrat MaaS, les données qui seront transmises par le fournisseur au gestionnaire autour de trois axes :

  • Données nécessaires à la réalisation du service après-vente par le gestionnaire ;
  • Données relatives à la lutte contre la fraude ;
  • Données statistiques de déplacement des usagers.

Par ailleurs, le contrat conclu entre le fournisseur et le gestionnaire doit contenir un plan de gestion des informations que le fournisseur collecte dans le cadre de ces services. L’objectif principal de ce plan est d’assurer la confidentialité de ces informations, pour limiter les possibilités pour un concurrent du fournisseur d’en prendre connaissance.

Quelles conditions financières ?

La réglementation prévoit une possibilité d’indemnisation mutuelle.

D’une part, le gestionnaire de services de mobilité peut se voir indemniser des frais d’accès à son système numérique de vente.

D’autre part, le fournisseur de services numériques multimodaux peut demander à bénéficier d’une rémunération en contrepartie des services de mobilité dont il facilite la délivrance.

La question de la rémunération est importante et délicate sachant que les gestionnaires ne réalisent pas nécessairement une marge suffisante pour se permettre d’en soustraire une commission pour le fournisseur. Malgré ce constat, le fournisseur de service semble être en droit de bénéficier d’une rémunération considérant que le Contrat MaaS doit notamment être « équitable » (L.1115-10.III. c.trans.).

Quelle relation dans le traitement de données personnelles ?

La délivrance de services de mobilité entraîne nécessairement une collecte et un traitement de données personnelles des usagers.

Si la réglementation MaaS reste muette sur le statut de chaque acteur, ces derniers doivent définir, au sein du contrat qu’ils concluent, qui est responsable de quel traitement.

Cela nécessite de réaliser des analyses pour chaque traitement, en fonction de l’organisation choisie. Dans certains cas, le gestionnaire de services pourra être considéré comme responsable de traitement, le fournisseur pouvant être son sous-traitant ou même responsable conjoint. Et il en va de même côté fournisseur, qui pourra en outre mettre en œuvre des traitements en toute indépendance.

Que prévoir d’autre ?

Le Contrat MaaS entre un gestionnaire et un fournisseur ne doit pas se contenter d’aborder les points mentionnés ci-avant.

Il est nécessaire de déterminer précisément leurs relations contractuelles (modalités d’interfaçage, maintenance et disponibilité, durée, responsabilité, etc.).

En tout état de cause, le contrat conclu devra obligatoirement contenir des conditions qui sont :

  • Raisonnables ;
  • Equitables ;
  • Transparentes ;
  • Proportionnées.

En d’autres termes, le contrat doit être équilibré entre les parties et ne pas procurer d’avantage qui pourrait être considéré comme indu au bénéfice de l’une des parties.

Pour conclure, la réglementation MaaS est novatrice et parfois peu précise. Elle permet de mettre en œuvre des services qui peuvent constituer une réelle amélioration pour les usagers ainsi qu’une source de revenus supplémentaire pour les gestionnaires de services de mobilité.

Néanmoins, si la réglementation est mal appliquée ou si les parties n’encadrent pas suffisamment leurs relations, le fournisseur ou le gestionnaire pourrait se retrouver dans une situation préjudiciable sans possibilité d’y remédier.

Le Pôle Contrats informatiques, Données et Conformité accompagne les acteurs de la mobilité dans les aspects digitaux de leur activité, ce qui inclut la mise en œuvre de la réglementation MaaS.

Pour toute question, n’hésitez pas à nous contacter.