La disparition de la règle méconnue ne régularise pas automatiquement une autorisation d’urbanisme

Selon les dispositions de l’article L.600-5-1 du code de l’urbanisme, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre décision d’occuper le sol, estime qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations.

Au regard de ces dispositions, le Conseil d’État avait estimé que, s'agissant des vices entachant le bien-fondé du permis de construire, le juge doit se prononcer sur leur caractère régularisable au regard des dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue et constater, le cas échéant, qu'au regard de ces dispositions, le permis ne présente plus les vices dont il était entaché à la date de son édiction (CE, 3 juin 2020, n°420736, Tables Lebon).

L’arrêt ici commenté (CE, 4 mai 2023, n°464702, Lebon) précise cette jurisprudence.

Il énonce que la seule évolution de la règle méconnue par un projet n’entraîne pas une régularisation automatique. Dans le cadre de l’article L.600-5-1 du code de l’urbanisme, une mesure de régularisation demeure indispensable et doit être transmise au juge administratif.

Plus largement, l’arrêt synthétise les conditions dans lesquelles une autorisation d’urbanisme peut être régularisée.

Il énonce trois hypothèses de régularisation :

  • La régularisation par une autorisation modificative respectant les règles de fond, de forme ou de procédure méconnues :

« Lorsqu'une autorisation d'urbanisme a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l'autorisation, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'une autorisation modificative dès lors que celle-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises ».

  • La régularisation par une autorisation modificative prenant en compte une évolution de la règle méconnue ou un changement des circonstances de fait (voir aussi CE, 10 octobre 2022, n° 451530, Tables Lebon) :

Ainsi, l’autorisation d’urbanisme « peut, de même, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par l'autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l'effet d'un changement dans les circonstances de fait de l'espèce ».

  • La régularisation dans le cadre d’un sursis à statuer prononcé sur le fondement de l’article L.600-5-1 du code de l’urbanisme, dans le cas où dans le cas où le bénéficiaire de l’autorisation initiale notifie la mesure de régularisation en temps utile au juge.

En revanche, précise le Conseil d’État, « la seule circonstance que le vice dont est affectée l'autorisation initiale et qui a justifié le sursis à statuer résulte de la méconnaissance d'une règle d'urbanisme qui n'est plus applicable à la date à laquelle le juge statue à nouveau sur la demande d'annulation, après l'expiration du délai imparti aux intéressés pour notifier la mesure de régularisation, est insusceptible, par elle-même, d'entraîner une telle régularisation et de justifier le rejet de la demande ».

Dans le cas d’espèce, par un jugement du 16 février 2021, le Tribunal administratif avait prononcé un sursis à statuer de cinq mois pour permettre la régularisation d’un permis de construire méconnaissant la règle de hauteur d’un plan local d’urbanisme.

Aucune mesure de régularisation n’avait été notifiée dans ce délai.

Néanmoins, le pétitionnaire se prévalait de ce que, par une délibération de la commune en date du 28 juin 2021, la règle de hauteur avait été modifiée et était moins contraignante.

Mais par un second jugement du 8 avril 2022, constatant l’absence de mesure de régularisation, le Tribunal avait annulé le permis de construire.

Saisi par un pourvoi en cassation, le Conseil d’État confirme ce jugement, en appliquant le principe ci-dessus énoncé : la seule évolution de la règle méconnue ne permet pas, à elle-seule, de régulariser un projet.