Proust et l’ombre des éoliennes

« Combray, de loin, à dix lieues à la ronde, vu du chemin de fer quand nous y arrivions la dernière semaine avant Pâques, ce n’était qu’une église résumant la ville, la représentant, parlant d’elle et pour elle aux lointains, et, quand on approchait, tenant serrés autour de sa haute mante sombre, en plein champ, contre le vent, comme une pastoure ses brebis, les dos laineux et gris des maisons rassemblées qu’un reste de remparts du Moyen Âge cernait çà et là d’un trait aussi parfaitement circulaire qu’une petite ville dans un tableau de primitif. »

Une société spécialiste de l’implantation d’éoliennes n’avait malheureusement pas été suffisamment sensible à l’historique littéraire du lieu d’implantation, près de Illiers-Combray, sans toutefois être sur le territoire protégé.

Son projet a été refusé par la préfète d’Eure-et-Loir en raison de l’atteinte paysagère du projet de 12 puis 4 éoliennes.

Par un arrêt du 11 avril 2022, (re. N° 2OVE03265), la Cour administrative d’appel de Versailles a confirmé la non-délivrance de l’autorisation, mais le motif n’était pas si évident : la préfète s’était fondée sur l’article 183-1 du Code de l’environnement, lequel ne se réfère qu’indirectement à une protection des paysages de par leur importance littéraire, la zone étant qualifiée de site patrimonial remarquable, non pas en soi mais par la description qu’en fait Marcel Proust et que les pouvoirs publics se sont attachés à mettre en valeur. Surtout, les éoliennes n’étaient pas implantées sur le site mais certaines d’entre elles étaient dans le champ de visibilité du paysage concerné : le temps suspendu par l’écrivain s’accordant mal avec l’ouvrage projeté, l’intérêt environnemental conservatoire l’emporte sur l’intérêt écologique.