Abrogation juridictionnelle d’un acte réglementaire

Par un arrêt du 28 février 2020, le Conseil d’Etat avait ouvert une voie alors étroite pour abroger un acte non créateur de droit (en l’occurrence une décision de suspension d’un sportif) dont il était initialement demandé l’annulation. Cette décision pouvait être cantonnée à des hypothèses où le temps contentieux était manifestement incompatible avec un maintien de la mesure, puisque la voie classique suppose de saisir l’auteur de l’acte d’une demande d’abrogation et, en cas de refus, de solliciter du juge l’annulation de ce refus et contraindre enfin l’administration à abroger son acte devenu illégal à raison d’un changement de circonstances de fait ou de droit.

Par une nouvelle décision de Section du 19 novembre 2021, Association des avocats Elena France, le Conseil d’Etat n’a donc pas été long à ouvrir plus largement le contrôle de légalité à tout acte réglementaire et rendre ainsi plus efficace son contrôle. Ainsi, désormais, lorsque le juge administratif est saisi initialement d’une demande d’annulation d’un acte, il peut – lorsqu’il en est saisi à titre subsidiaire à tout moment de l’instruction – examiner un demande d’abrogation. Ceci induit une double conséquence : d’une part, il va se situer à la date à laquelle il statue pour examiner si l’abrogation est justifiée et donc prendre en compte les éléments juridiques et factuels postérieurs à son édiction ; d’autre part il va lui-même prononcer l’abrogation de l’acte, revenant donc ainsi et de façon pragmatiques sur le principe de séparation des pouvoirs administratifs et judiciaires posé par la loi des 16 et 24 août 1790 … Une petite révolution !