L’exception de nom patronymique valable pour un nom de domaine

Dans un arrêt du 7 septembre 2022, la Cour de Cassation a considéré comme valable l’usage antérieur du nom patronymique à titre d'enseigne et de nom de domaine (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 7 septembre 2022, 21-12.602).

Pour rappel, l’article L713-6 du Code de la propriété intellectuelle prévoit une exception au monopole d’exploitation du titulaire prévu par le droit des marques, à savoir : « une marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, d'un nom commercial, d'une enseigne ou d'un nom de domaine, de portée locale, lorsque cet usage est antérieur à la date de la demande d'enregistrement de la marque et s'exerce dans les limites du territoire où ils sont reconnus ».

Dans cette affaire, Monsieur Léopold Croizet exploite une activité familiale (depuis 1970) de distillation de cognac sous le nom patronymique « Croizet ». Il réserve en 2000 le nom de domaine « croizet.com ». En 2014, Monsieur Léopold Croizet a déposé une demande de marque française Pierre Croizet Cognac. La société Croizet forme une opposition et saisit le Tribunal en contrefaçon de marque, transfert de nom de domaine et concurrence déloyale et parasitaire.

La Cour de Cassation confirme partiellement l’arrêt de la Cour d’appel considérant que c’est à bon droit que ce dernière a jugé que « l'article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle doit s'interpréter à la lumière de l'article 6, § 1, de la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988, qui dispose que le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, de son nom, pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale, de sorte que, si l'article L. 713-6 précité vise la dénomination sociale, le nom commercial ou l'enseigne, il ne peut en être déduit que l'utilisation du nom de famille dans un nom de domaine en est exclue, s'agissant d'un usage dans la vie des affaires ».

Ainsi, la Cour de Cassation confirme l'application de l'exception d'homonymie dans le cadre de l'exploitation d'un nom de domaine antérieur, bien que ce signe ne soit pas directement visé par l'article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle.

Toutefois, la Cour de Cassation casse partiellement l’arrêt de la Cour d’appel de Paris pour les motifs suivants :

  • la Cour de cassation reconnaît qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le signe incriminé Pierre Croizet n'était pas utilisé à titre de marque et sans apprécier, par conséquent, la demande au regard d'un tel usage, la Cour d'appel de Paris a privé sa décision de base légale. Elle casse et annule l'arrêt sur ce point et ordonne une médiation entre les parties.

Toutefois, la Cour de Cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel de Paris en ce qu’elle a considéré que « il est enfin admis que la bonne foi au sens de l'article L. 713-6 susvisé suppose que le tiers employant son nom patronymique ait pris des précautions pour éviter tout risque de confusion, telles que l'adjonction du prénom, l'indication géographique de la production ou l'utilisation d'un graphisme distinct de celui de la marque antérieure ». En l’espèce, la Cour d’Appel de Paris avait relevé que (i) « le nom de domaine croizet.com dans les recherches Google est toujours surmonté de la mention 'Cognac Pierre Croizet' », et (ii) la page d’accueil du nom de domaine litigieux était vide et exclusivement redirectionnelle vers le site pierre.croizet.com.

  • la Cour de Cassation rappelle enfin que l’action en concurrence déloyale n’est pas soumise à la démonstration de l’élément intentionnel.

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